En mai dernier, le Sénat adoptait une proposition de loi portée par les groupes LR et centriste visant à réformer le régime de l’irresponsabilité pénale. Un texte qui faisait écho à l’affaire Sarah Halimi. L’idée clé : renvoyer devant le tribunal correctionnel ou la Cour d’assises la charge de statuer sur la responsabilité pénale du mis en examen en cas d’abolition temporaire de son discernement, afin que les victimes puissent bénéficier d’un procès.
Le gouvernement a embrayé et déposé un projet de loi porté par le ministre de la Justice Eric Dupont-Moretti. L’Assemblée nationale examine depuis mardi 21 septembre cette proposition de loi visant à ce que l’abolition du discernement ne puisse plus être prétexte à échapper à la justice lorsque l’auteur du méfait a sciemment œuvré à cette abolition.
En d’autres termes, le cannabis consommé par Kobili Traoré avant de torturer et d’assassiner Sarah Halimi le 4 avril 2017 ne lui aurait pas permis d’échapper au procès, et très vraisemblablement à une condamnation, si cette loi avait existé à l’époque des faits. Pas certain, en réalité, car Kobili Traoré aurait alors soutenu qu’il ne s’était pas drogué dans le but d’abolir son discernement. D’ailleurs, dès l’annonce de cette proposition de loi, déposée au lendemain de la décision de la Cour de cassation confirmant l’irresponsabilité de l’assassin, Sire-Marin Evelyne, magistrate et ancienne présidente du Syndicat de la magistrature, expliquait à BFMTV qu’une telle loi n’aurait pas changé l’issue du procès. Parole de juriste ou de la militante d’extrême gauche qui avait manifesté le 10 novembre 2019, à l’appel d’organisations islamistes, au prétexte de lutter contre l’islamophobie, en réalité d’empêcher toute critique de l’islam, même le plus radical.
Une Commission d’enquête
Jean-Alex Buchinger fut le premier conseil des trois enfants de Sarah Halimi. Il fut remplacé par Francis Szpiner, avocat et maire du 16ᵉ arrondissement de Paris, qui affirmait avoir l’oreille de la juge d’instruction. Devant la commission parlementaire, Me Jean-Alex Buchinger souligna que son successeur fut, avec le magistrat instructeur, le seul intervenant dans ce dossier à ne pas avoir souhaité qu’une reconstitution soit ordonnée, une exception dans une affaire de meurtre.
Le 13 septembre dernier, Maître Jean-Alex Buchinger a donc été entendu par la Commission d’enquête sur les éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l’affaire dite Sarah Halimi, commission présidée par le député Meyer Habib. Son récit, très posé et factuel, confirme que si la justice dans son ensemble, à commencer par la juge d’instruction, avait voulu éviter un procès à Kobili Traoré, elle ne s’y serait pas prise autrement, malgré la reconnaissance tardive, beaucoup trop tardive, de la nature antisémite du meurtre. Même la thèse de la consommation massive et inhabituelle de cannabis est contestée par les témoins, et la préméditation est si évidente que l’attitude de la justice est incompréhensible. Par ailleurs, on se demande comment des psychiatres peuvent évaluer la lucidité d’une personne plusieurs semaines après les faits, alors que les effets du cannabis s’estompent en quelques heures. Mystère…
C’est enfin méconnaître, comme nous l’avons déjà écrit, ce qu’est un fanatique religieux : sa démence supposée est consubstantielle à sa mise en transe religieuse lorsqu’il souhaite passer à l’acte.
Comme en atteste l’audition fort éclairante de Maître Jean-Alex Buchinger, si le procès du meurtrier de Sarah Halimi n’aura certainement pas lieu, il faut espérer que la loi qui portera le nom de cette dernière assurera que de tels procès (dont le climat ambiant laisse augurer de prochains crimes antisémites) aient bien lieu à l’avenir.
Comme nous le confie Meyer Habib, président de la commission d’enquête sur les éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l’affaire dite Sarah Halimi : « cette loi Halimi, nous allons la voter bien entendu mais la réalité est qu’en état du droit actuel, nous aurions pu avoir un procès de Madame Halimi. »
De son côté, Naïma Moutchou, députée de la majorité LREM, se veut rassurante : dans un entretien avec France Info, elle assure que : « la Cour de cassation, la plus haute juridiction interpelle nos législateurs pour dire qu’elle ne peut pas dire que tel ou tel est irresponsable parce que la loi ne distingue pas en fonction de l’origine du trouble. C’est cette défaillance qui crée l’injustice aujourd’hui. C’est ça qui doit être réglé. Ce n’est donc pas une loi de circonstance. »
Espérons que l’avenir ne démentira pas l’élue de la République.
Michel Taube