Et si ce midi H était le 16ème Prix Nobel de littérature français ?
H comme Houellebecq.
Quand on a un peu côtoyé H avec sa parka sortie des Puces, ses efforts récompensés pour s’enlaidir ou pour en rajouter une couche en matière de misogynie, d’expression affichée de mépris pour tel ou tel, on se demande bien pourquoi l’énergumène accèderait au plus prestigieux des prix.
D’ailleurs, des prix, il n’a que faire. Enfin, soyons comme lui, disons une chose et la moitié de son contraire. H a vraiment enragé de ne pas avoir le Goncourt, mais ce ne fut que partie remise. Tant c’était évident.
H disait de Céline que ce n’était pas un grand écrivain. Grand, pas grand ? Barbey d’Aurevilly et autres Villiers de l’Isle-Adam sont proscrits des programmes scolaires pour différentes causes – et ça ne date pas d’hier-, cela n’interdit à personne de les qualifier « grands écrivains ». Et il n’est pas certain que, dans l’autre sens, le docteur Destouches ait apprécié H.
Paul Morand, qui fut considéré comme la quintessence de la langue écrite, se révèle le plus ennuyeux, le plus précieux, le plus artificiel des imposteurs. Oui, il fut ambassadeur à Bucarest puis rejoignit le quai Conti, et alors ? L’Académie comporte une telle quantité de vrais mortels – et de vrais génies – qu’elle ressemble furieusement à une classe de Rentrée scolaire de Montmorillon. Toutes ces classifications, ces uniformes, ces rubans, ces roulements de tambour et autres accolades entre pre-agonisants : que cela nous laisse froid, tellement froid !
Des écrivains comme Marcel Aymé et son immortelle traversée de Paris, tant d’autres encore, ont cassé le décor de carton-pâte de nos institutions littéraires.
Et voici pourquoi H pourrait être couronné à Stockholm.
Tout commence à Esbly, que tout le monde connaît bien sûr. Cet avant-dernier arrêt sur la ligne de Paris à Meaux comporte une voie adjacente, pour une destination encore plus rurale. Enfin, rurale, c’est bien aimable. Crécy-la-Chapelle, c’est un trou. H quittait ce trou pour le lycée de Meaux puis rejoignit l’informatique, l’Assemblée nationale, enfin rien que des formes souvent vidées de sens. Meaux n’est plus qu’une ville-dortoir, l’informatique n’a jamais exprimé qu’un monde triste de chiffres et de sésames, et épargnons-nous des lignes inutiles sur l’auguste chambre parlementaire, papeterie inépuisable, classe de bavards, qui ignore trop souvent qu’une loi doit durer des siècles pour être admise…
Si Michel H devient prix Nobel, c’est parce que toutes ses œuvres comportent la même sensation de vacuité. Je mange, mais sans vrai appétit. Je peux m’allonger à côté de Mae West, elle est Mae West et je demeure H. Certes, il se passe entre nous quelque chose, mais si ténu, si rapide, si vain.
H n’est pas vraiment un romancier, ou plutôt il l’est par le détour du style. Ses histoires, en Thaïlande ou à la fac de Paris qui s’islamise, finalement, ne l’intéressent qu’à demi. D’ailleurs, dans les remarquables entretiens que H eut avec BHL et dont ils sortirent un bon ouvrage, on s’aperçoit de la première donnée : la haine abyssale de la mère de H. Un fils privé de l’amour d’une mère, c’est un gouffre qui s’ouvre. Ce fut le cas.
H n’est pas vraiment heureux mais c’est de cette langueur – oui, c’est le mot qui le dépeint le mieux, la langueur- qu’il tire le meilleur de lui-même. Le mariage contracté récemment a donné lieu à une photo qu’on ne peut qu’apprécier. Clown ou vieux monsieur, aux côtés d’une belle Japonaise toujours soignée, les deux conjoints donnent enfin l’impression que la vie de H ne fut pas vaine. Même dans les tours de la dalle des Olympiades au cœur du XIIIème arrondissement de Paris.
Dieu sait qu’il en a reçu des crachats, le pauvre H ! A la télévision et dans les feuilles bien placées. Mais attendons la suite. Dans certaines œuvres du XIXème siècle, et même ensuite, on nomme une décoration de haut rang – Grand Croix de la légion d’honneur, par exemple – un crachat.
H sera peut-être le nouveau prix Nobel de Littérature pour une ou deux raisons supplémentaires. Il est tellement actuel ! Il est tellement « nous ». Il voudrait tellement « autre chose ». Il a pu survivre à des hivers irlandais et ces trente hideuses (1990-2020) qu’il a parfaitement exprimés. Et même la Covid.
Oui, on sait, il n’adore pas l’Islam à la française, trop double-jeu et radical à sa base à notre goût. Peu importe car à notre connaissance, le prix Nobel se remet encore en Suède, pas à Médine. Au passage, relevons que le roman « Soumission » mériterait d’être relu pour comprendre la fulgurante percée politique d’Eric Zemmour.
Alors H prix Nobel ? Il le mériterait bien pour une seule raison : il est l’écrivain français vivant le plus lu au monde.
Michel Taube et Jean-Philippe de Garate