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15H22 - jeudi 21 octobre 2021

« Les Etats-Généraux » de la justice : le néant…

 

Si on les avait oubliés, les Etats-Généraux étaient constitués, sous l’ancien régime (tout un programme…) par la réunion des trois Ordres : clergé, noblesse, tiers état.

Par on-ne-sait quelle aberration, cette expression « Etats-Généraux » est devenue depuis des décennies une sorte d’entrée obligatoire, un tourniquet de métro, pour désigner à tort et à travers des réunions professionnelles : Etats-Généraux du nettoyage cryogénique industriel, Etats-Généraux de la pharmacologie dentaire, de l’emballage des produits phytosanitaires, la liste est sans fin.

En revanche, si ces meetings professionnels débouchent la plupart du temps sur de vraies avancées pratiques, des contacts fructueux entre praticiens, les « Etats-Généraux de la justice » sont condamnés d’avance. Ils ne servent à rien.

Ce n’est pas une affirmation, lancée comme ça, c’est une certitude : les plus mesurés des magistrats (l’Union Syndicale, largement majoritaire) l’ont dit avec leurs mots alambiqués. Les mauvais esprits ont relevé qu’un tel « événement » au mois d’octobre précédant la campagne présidentielle — déjà entamée — avait toutes les apparences d’une opération de com’ pour racler quelques voix dans le monde judiciaire.

La seule mesure, au sens que l’on donne à ce mot à Sèvres, le seul échelonnage pour apprécier une action politique, c’est le temps. Une action politique se résume en une question : qu’ont fait Macron et ses ministres de la justice depuis l’élection de 2017 ? Réponse ?

Si on compare avec Mitterrand, Roland Dumas et Badinter, la réponse est, elle, immédiate : l’abolition de la peine de mort pour les trois de 1981. Mais on oublie toujours — car l’inculture judiciaire dépasse tout — que le ministre qui a sauvé le plus de prisonniers n’est pas Badinter, ni même Dupont-Moretti, mais un professionnel du Champagne, qui n’avait pas son bac, et qui n’avait accepté d’être garde des Sceaux qu’à la demande insistante de Georges Pompidou, notamment pour boucler avec élégance l’affaire Markovic. Jean Taittinger. On en conviendra, Pompidou, Taittinger, pas un duo de révolutionnaires… Et pourtant…

Sous de Gaulle (1890-1970), aux mœurs d’un autre âge, les prisons n’étaient pas chauffées. On guillotinait, certes, mais on emprisonnait des hommes physiquement sains qui, frappés de maladies pulmonaires, ressortaient de détention à l’horizontale, la médecine pénitentiaire étant ce qu’on sait, bien pire encore à cette époque que celle révélée des années plus tard par l’ouvrage du Docteur Vasseur.

Jean Taittinger, ministre d’État, garde des Sceaux et ministre de la Justice (1973-74), mit fin à cette horreur qui tuait des dizaines d’hommes chaque hiver. Désormais, les prisonniers bénéficièrent du chauffage dans leurs cellules. Alors que nos importants actuels se parent de décorations pour on-ne-sait quelles réalisations, Taittinger refusa la Légion d’honneur et détestait physiquement le vedettariat. J’en témoigne, cet homme grand et imposant était timide. Maire de Reims, il contribua puissamment à la réfection du palais du Tau, où se trouve sauvegardée la masse du chancelier, d’où provient la Justice. La chancellerie parisienne, ce ministère place Vendôme, ce n’est qu’une vaste papeterie, un hôtel vide.

Alors, si des « Etats-Généraux » de la justice se tiennent un jour, ils se dissoudront pour donner vie à une vaste assemblée citoyenne et fixer les quelques clefs d’ogive qui feront de ce pays autre chose que la patrie des scandales et des abus d’État, de Fouché à Benalla. Parmi ces clefs d’ogive fondant la Justice, l’élection des juges au suffrage universel, mais aussi la fin des tutelles moyenâgeuses de l’accusateur public (le procureur général) sur les… avocats ! « Etats-Généraux » de Macron ? Tout le monde n’en parlera plus dans trois jours.

 

Jean-Philippe de Garate

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