Ils ont été l’un des indices incontournables de l’évolution de la pandémie dans les hôpitaux ces derniers mois. Permettant de porter assistance à un patient en perte d’autonomie, mais surtout d’évaluer la capacité d’accueil d’un hôpital en période de crise sanitaire, comme évidemment dans le cas de la pandémie de Covid-19, les lits médicalisés ont pâti d’une mauvaise réputation auprès des Français dans les médias. À tel point qu’on en oublierait presque son utilité principale tant il provoquait la grimace des téléspectateurs lors de son évocation dans les JT.
En 2020, la France comptait 386 835 lits d’hospitalisation complète, soit un lit pour 173 habitants à l’échelle du pays. Impressionnante, cette statistique démontre l’aspect essentiel de ce matériel dans le milieu hospitalier. Du côté des médias, cette importance a d’ailleurs bel et bien été mise en évidence, mais souvent en véhiculant une image pessimiste, souvent axée sur la pénurie de lits disponibles. De ce fait, on omet souvent le rôle de ces derniers, qui, au-delà de leur possibilité d’accueillir un malade, reste crucial dans la remise sur pied d’un patient.
Source : Drees
Un outil qui révolutionne la vie des patients… et des soignants
En 1935, le chirurgien américain Homer Stryker commence à bricoler les dispositifs médicaux de l’époque. La raison ? Les blessures subsidiaires que peuvent subir des patients pris en charge dans un lit ordinaire en raison de son manque de confort. Nommées « escarres », ces lésions cutanées surviennent à la suite d’une pression prolongée d’une partie du corps sur une surface, à l’instar d’un matelas. Pour éviter ce désagrément, Homer Stryker réfléchit à un outil capable de changer la position d’un malade sans qu’il ait à recourir à de périlleux mouvements susceptibles de le blesser et/ou de l’affaiblir davantage. Dans cet intérêt, l’Américain consolide le prototype du futur lit médicalisé.
À travers le temps, le modèle de Stryker se fait connaître. Plusieurs chercheurs vont tenter tour à tour de développer le projet jusqu’à créer le lit médicalisé que l’on connaît aujourd’hui.
Désormais, les risques d’escarres ont pratiquement disparu. Si un patient mal placé sur le matelas souffre en raison de sa position, l’automatisation du matériel permet d’ajuster la courbure du lit tout en douceur via une simple télécommande. La mécanisation permet également aux soignants de transformer le lit en table d’opération en cas d’urgence. Un corps fragile nécessitant une intervention expresse peut ainsi être placé rapidement dans la position requise à l’opération. Tout ça depuis son lit. Idem pour les risques concomitants aux chutes puisque le lit dispose dorénavant de rampes de sécurité empêchant la plupart des accidents. En finalité, l’arrivée du lit médicalisé dans le milieu hospitalier coïncide avec une hausse de confort et de sécurité pour les malades.
Mais si la vie des patients se montre aujourd’hui révolutionnée par le lit médicalisé, il va de soi que cette amélioration se constate aussi du côté des soignants. D’un point de vue logistique d’abord, puisque ces derniers peuvent, à titre d’exemple, transférer aisément une personne alitée de sa chambre à une ambulance grâce aux roulettes placées sous les pieds du lit. Une véritable plus-value. Dans la même logique, la gigantesque charge de travail des soignants s’est légèrement réduite par l’intermédiaire du lit médicalisé. Aujourd’hui, les bras des soignants servent davantage à intervenir sur le patient plutôt qu’à le tourner tant bien que mal de façon à prodiguer au mieux leurs précieux soins.
Le nombre de lits médicalisés en berne, vraiment ?
Or, depuis plus de vingt ans, le nombre de lits médicalisés dans les hôpitaux baisse d’année en année. Ce qui paraît surprenant au vu du progrès médical permis par la démocratisation de ce dispositif. Pourtant, le constat demeure sans équivoque du côté des lits d’hospitalisation complète : la France était équipée de 488 710 lits d’hospitalisation complète en 1998, c’est-à-dire de lits capables de prendre en charge un patient plus de 24h, contre 386 835 l’année dernière. Alors, pourquoi se séparer de tant d’unités quand on constate leur nécessité dans les hôpitaux, surtout en cette période de crise sanitaire ?
La réponse réside dans l’évolution des traitements médicamenteux, ou bien encore dans la modernité des nouvelles techniques chirurgicales. Grâce au progrès de la médecine, une hospitalisation pour cause d’appendicite durera moins de douze heures de nos jours, alors qu’elle demandait dans les années 70 plusieurs jours sur place. Les lits d’hospitalisation complète sont de facto moins demandés. On leur préfère aujourd’hui leurs cousins en hospitalisation ambulatoire ou à domicile (HAD), moins coûteux et tout aussi qualitatifs. Ce qui, en outre, démontre toute l’importance de cet équipement dans le milieu hospitalier.
Noé Kolanek
Journaliste Opinion Internationale