Lors de sa prise de fonction, le Premier ministre Jean Castex s’était fait l’apôtre des territoires, tout en restant flou sur la matérialisation de ce concept. Il ne s’agissait pas de réformer la décentralisation, mais de rapprocher l’action publique du citoyen, de coller autant que possible aux spécificités desdits territoires, à commencer par la région, la plus grande des collectivités territoriales.
Le message du Premier ministre était censé faire écho aux innombrables critiques essuyées par le gouvernement précédent, celui d’Édouard Philippe, quant à la gestion hésitante et parfois erratique de la crise de la Covid. Comment, dans un État aussi centralisé que la France, faire travailler harmonieusement et efficacement les services de l’État et ceux du département, alors que les dysfonctionnements se sont révélés graves et nombreux : approvisionnement chaotique en masques et autres équipements de protection individuels, absence d’anticipation de la gestion d’une crise sanitaire au niveau territorial, tant au niveau ressources humaines que de l’articulation entre le système hospitalier et les autres acteurs de la santé libérale.
Malgré son administration (ses administrations en réalité) pléthorique, la France dut attendre l’instauration du pass sanitaire valant forte incitation à se faire vacciner pour rattraper son retard sur ses voisins. Mais cela n’a pas valeur de méthode de gouvernance à long terme. La crise de la Covid n’est pas derrière nous, et nous avons quelques raisons de craindre qu’elle ne soit ni la dernière ni la pire des crises sanitaires que nous ayons à affronter. Serions-nous prêts ? Au mieux, on peut en douter. Au pire, on peut répondre par la négative, sans grand risque de se tromper.
Tirer les leçons de l’actuelle crise sanitaire implique d’instaurer une délégation de pouvoir étendue aux régions et territoires correspondants sur l’ensemble des champs opérationnels dans le secteur santé social, en s’appuyant sur une directive-cadre centrale permettant cette latitude. Il s’agit d’une véritable démarche de mutualisation des structures avec réduction et recentrage au niveau national et à couts maitrisés. Contrairement à Jean Castex, nous voulons être précis, et travailler d’abord sur trois axes :
- Mise en place au niveau central de l’État d’un plan quinquennal ou plus, où les grandes politiques publiques du secteur santé social seront élaborées en fonction des orientations et évolutions imposées par les circonstances. Le pilotage et l’exécution du plan seraient confiés aux régions et territoires correspondant avec les moyens humains, financiers et matériels adéquats.
- Réduction et regroupement, redéploiement et réallocation des ressources et de ses nombreuses agences rattachées au ministère de la Santé et des Affaires sociales, et mise en place d’une grande Agence Nationale de Santé publique pour la définition, le suivi et l’évaluation du plan a minima quinquennal de la politique sanitaire et sociale incluant la santé au travail sous l’autorité du ministre de la Santé et du premier Ministre qui supervisera la progression et le déploiement du plan dans les régions et les territoires concernés.
- Mise en place dans les régions d’une structure centrale ayant pouvoir et autorité pour l’exécution opérationnelle de ce plan, mais avec la souplesse permettant une parfaite adéquation au contexte territorial. Cette structure aurait capacité à engager les moyens adéquats en cas de crise sanitaire sur sa zone de compétence géographique. Il s’agit donc d’un outil de prévention et d’anticipation qui a si cruellement fait défaut depuis le début de la pandémie de Covid-19.
Ces propositions ont un objectif simple : permettre la prise en charge du parcours de soins de chacun, au plus près de son territoire. Cela vaut notamment (mais pas exclusivement) pour les grandes crises sanitaires en cours ou à venir, afin de mieux les prévenir et traiter leurs spécificités de manière très réactive. Le pouvoir central ne doit pas être un frein à l’efficacité et la rapidité d’action. Il ne doit pas décourager les initiatives et nuire à la célérité de l’intervention publique par une bureaucratie verticale étouffante.
Une grande politique de santé publique ne peut se développer qu’au plus près des régions. Compte tenu de l’incertitude virologique dans laquelle nous nous trouvons, il est impensable que les candidats à la présidentielle de 2022 puissent faire l’impasse sur cette nécessité impérieuse, ni même qu’elle soit un projet parmi d’autres à traiter au cours du prochain quinquennat. Personne ne peut certifier que l’épidémie de Covid, éventuellement attisée par un nouveau variant, ne déferle à nouveau sur la France, peut-être avant même la prochaine présidentielle. Ce sujet ne devrait même pas être politique, tant la nécessité d’une approche territoriale est évidente. Jean Castex semblait l’avoir compris en s’installant à Matignon. Dommage qu’il ait donné le sentiment de l’avoir oublié dès le lendemain. Nous ne pouvons pas nous permettre une nouvelle débâcle. Désormais, il faut agir.
Patrice CRISTOFINI
Ceo Cristhold (conseil international)
Pdt d’Honneur Fondateur du club I-sante et du club Paris Shanghai du CEPS (centre d’études prospective et stratégique)