Plus le temps passe et plus les Français semblent être en désaccord avec leur sommeil. Mais il n’en est rien par rapport aux Inuits peuplant le cercle polaire, là où règne de mai à août la « nuit lumineuse ». Adeptes de pratiques bien éloignées des nôtres, ce peuple autochtone visualise le passage au lit d’une façon extrêmement différente.
Le lit en option
Tandis que le choix de la literie s’impose comme essentiel dans les traditions françaises, les Inuits paraissent moins exigeants. Preuve en est qu’ils peuvent dormir à peu près partout. À l’exception peut-être de la banquise… Des Esquimaux d’Alaska aux Inuits du Groenland, tous sont unanimes : dormir dans un lit est une option. Trouver Morphée peut se faire n’importe où. À même le sol ou bien sur un canapé, dans la culture inuit, s’assoupir peut même se faire durant une activité. D’ailleurs rares sont les Inuits qui dorment seuls.
Contrairement à nos lits doubles, souvent occupés par une seule personne, les autochtones des régions arctiques s’entassent les uns sur les autres lorsqu’ils choisissent le lit comme lieu de repos. La pratique porte le drôle de nom de cododo, pratique qui consiste à dormir à plusieurs, et non pas avec son nouveau-né comme en France. Mais du côté des Inuits, la coutume s’est perdue avec le temps. Elle va de pair avec les igloos, jadis utilisé durant l’hiver comme abri temporaire, désormais d’usage plus récréatif qu’utilitaire.
Dormir quand le Soleil ne se couche pas
Les Inuits ont également un rapport très particulier à la luminosité. Dans la chambre à coucher, la tradition veut qu’une lampe, une veilleuse, soit constamment allumée pour veiller sur le sommeil des Esquimaux. Mais si cette habitude est si tenace, à l’inverse du cododo, c’est parce qu’elle est en accord avec le climat arctique. De mai à août, les habitants du cercle polaire vivent en complicité avec la « nuit lumineuse ». Une jolie tournure pour expliquer que la nuit n’existe tout simplement pas durant cette période. Les Inuits doivent donc dormir coûte que coûte en coopération avec le Soleil.
Face à cela, la communauté d’environ 150 000 âmes est contrainte d’adapter ses habitudes. Les nuits blanches sont ainsi très bien vues pendant ces quatre mois. Les hommes profitent par exemple des heures nocturnes pour faire le plein de poissons. Il arrive même parfois que les pêcheurs passent plusieurs nuits d’affilée sans s’assoupir. Mais après l’effort vient toujours le réconfort, et la récompense est de taille puisque les Inuits se donnent le droit de dormir sans compter, parvenant certaines fois à s’endormir plus de 18 heures durant. D’ailleurs, le clan s’inspire des pêcheurs en modifiant eux aussi leur cycle de sommeil quand vient la « nuit lumineuse ». Contrairement à l’hiver, période pendant laquelle les Esquimaux dorment un peu après midi, l’été est consacré à des « nuits matinales ». Le lit est alors occupé de 4-5 heures du matin jusqu’en fin de matinée.
Ce changement s’accompagne également de modifications dans le style de vie des clans. L’essentiel de l’activité dans les villages se déroule ainsi pendant les heures « de nuit ». Les voisins se rendent visite, des cérémonies autour de la danse, pratique très importante chez les Inuits, sont organisées… Et même quand la « grande obscurité » plonge durant la banquise dans le noir 24 heures sur 24, les Inuits tiennent leurs positions. Ils adaptent à nouveau leur rythme de vie, en se couchant plus tard, acclimatant leurs activités au climat, mais le clan demeure aussi soudé.
Noé Kolanek
Journaliste Opinion Internationale