Sur l’oreiller, se confient quelque fois des secrets qui feraient mieux de rester dans l’ombre. Mais quand on se laisse aller après une folle nuit d’amour, les langues se délient et l’on commet des erreurs parfois fatales. La belle Mata Hari, la plus célèbre des espionnes, en fera les frais : un peu l’histoire de l’arroseur arrosé.
Gertrude Margarete Zelle est née en 1876 aux Pays-Bas dans une famille aisée, mais lorsque sa mère décède et que son père fait faillite, elle est placée en pensionnat et en profite pour s’inventer un passé glorieux et commencer une vie de mensonges.
De peau mate et fascinée par l’Orient où elle vit quelque temps avec un mari rencontré par petite annonce, elle devient Mata Hari, « l’œil du jour » en javanais. De retour à Paris, elle danse lascivement sur scène où elle se forge une jolie réputation, notamment suite à une prestation effectuée en mars 1905 au Musée Guimet. Vêtue telle une princesse indonésienne, entourée de ses servantes, Mata Hari se déshabille en hommage au dieu Shiva et jette un à un tous ses voiles. Le public parisien est conquis et elle devient la coqueluche des médias qui se font les choux gras de ses tenues et de ses amants, tous célèbres, tous riches, homme politique ou compositeur tel Puccini en passant par des ambassadeurs et des banquiers. Mais la belle avoue une attirance particulière pour les officiers et la Première guerre mondiale lui donne l’opportunité de s’adonner à des ébats avec des uniformes.
La suggestion vient du consul allemand, Carl H. Cramer, qui saisit l’occasion d’enflammer la mythomanie de Mata Hari. Parlant plusieurs langues et pouvant facilement franchir les frontières, elle est originaire, de plus, d’un pays resté neutre pendant le conflit.
Elle est d’abord formée en Belgique avant d’être envoyée à Madrid où elle récupère quelques informations glanées auprès d’officiers alliés qui passent entre ses bras.
Mais sa folie des grandeurs sera stoppée nette par une erreur qu’elle commettra elle-même sur l’oreiller, confiant à l’attaché militaire allemand à Madrid, le Major Kalle, dont elle s’est éprise, être l’espion allemand H-21, son nom de code. Il transmet imprudemment un message pour vérifier ses dires, intercepté par les Français qui identifient alors Mata Hari.
Lorsque sa chambre est perquisitionnée par les services secrets français, ils découvrent du matériel pour écrire à l’encre invisible ainsi que 20 000 francs pour prix de ses faveurs. Elle avoue le 22 mai 1917, après son arrestation, travailler pour l’Allemagne. Pour apaiser l’opinion publique, terrorisée par l’ennemi intérieur, la sulfureuse Mata Hari sera condamnée et fusillée, abandonnée de tous.
Alors, ennemie ou victime, pauvre fille ou manipulatrice ? Mata Hari reste et restera le symbole de la femme fatale qui saura vous extirper vos secrets sous les draps.
Deborah Rudetzki