Le Président Emmanuel Macron, accueille, ce 12 novembre, à Paris, une énième Conférence sur la Libye.
À un mois d’ une élection présidentielle et deux mois d’une élection législative, décrétée par l’ONU pour mettre fin à une décennie de guerre, cette Conférence dont beaucoup ne voyait pas l’intérêt s’avère particulièrement sensible du fait de tensions importantes nées de la promulgation de la nouvelle loi électorale le 9 septembre, signée par le Président du Parlement de Tobrouk, Aguila Saleh — considérée comme taillée sur mesure pour le Maréchal Haftar — et non validée par le Haut Conseil d’État libyen (HCE), faisant en quelques sortes office de Sénat, HCE qui a par ailleurs demandé, faute de consensus, le report du scrutin d’un an.
L’ONU, les États-Unis comme l’Égypte et l’Union européenne souhaitent la tenue des élections, craignant une reprise du conflit entre Tripoli et Benghazi.
Quelle est la situation réelle du pays ?
Si le cessez-le-feu est globalement respecté, les milices qui devaient être désarmées ne le sont pas ; celles, islamistes, proches de la Turquie sont toujours actives, d’autres, autonomes sont contrôlées par le ministre de l’Intérieur du GNU, Khaled Mazen ; la milice 444, qui assurait la sécurité de Sarraj, continue avec l’actuel Premier ministre.
Quant aux mercenaires qui devaient quitter le pays, ils sont toujours là ; autant ceux de la société russe Wagner que les miliciens islamistes syriens « importés » par les Turcs pendant la bataille de Tripoli ou les Tchadiens et autres soudanais.
Les militaires turcs présents dans le cadre d’un accord militaire bilatéral entre Tripoli et Ankara — sans valeur légale puisque non avalisé par le Parlement de Tobrouk— sont toujours massivement sur le terrain.
Le Maréchal Haftar, auquel a succédé le Général Nadouri à la tête de l’ALN*, contrôle toujours les champs pétroliers et rien ne dit qu’il ne renforcera pas prochainement sa présence militaire dans le Fezzan, faisant de l’arme économique sa force de négociation à défaut de la conquête de Tripoli.
Cette situation hautement « inflammable » rend plus pertinente encore cette Conférence de Paris.
Le Président français qui a eu le mérite, depuis 5 ans, de prendre à bras le corps le dossier libyen quand un de ses prédécesseurs — Nicolas Sarkozy—y avait fait la guerre, et l’autre — François Hollande—n’avait pas su y faire la paix, il a su engager l’Union européenne aux côtés de la Grèce et faire rempart à l’expansionnisme d’Erdogan en Méditerranée.
L’Allemagne, l’Italie et la Grèce seront aux côtés d’Emmanuel Macron ainsi que les Présidents ou ministres des Affaires étrangères de l’Égypte, de l’Algérie, du Maroc, de la Tunisie, du Tchad et du Niger et pour la Libye, le Président du Conseil présidentiel, Mohammed El Menfi. Quant au Premier ministre Abdel Hamid Dbeiba, l’incertitude demeure sur sa venue.
La vice-présidente américaine Kamala Harris et le russe Serguei Lavrov seront également présents.
C’est dire l’enjeu de la réunion qui doit conforter le processus électoral et éviter tout dérapage politique et militaire entre Tripoli et Benghazi. Elle doit aboutir, en mars 2022, à ce que la Libye dispose enfin d’un Chef de l’État, d’une Assemblée nationale et d’un gouvernement démocratiquement élu, condition essentielle à la fin d’un chaos de 11 ans et à sa nécessaire renaissance.
Michel Scarbonchi
*GNU : Gouvernement d’Union Nationale
*ALN : Armée de Libération nationale