De même que la santé n’est pas une question parmi d’autre, l’hôpital est un lieu singulier, qui inquiète, effraye, mais aussi qui guérit et qui sauve. La plupart d’entre nous y naissent et y meurent, et tous, ou presque y font au moins un séjour dans leur vie.
Aujourd’hui, et déjà depuis plusieurs décennies, c’est l’hôpital qui est malade. Malade de sa bureaucratie (le personnel administratif y est pléthorique au regard des soignants !), malade de la gestion comptable ayant conduit à le considérer comme une entreprise, cherchant souvent à vouloir réduire l’offre dans une logique financière, mais avec une gouvernance dans laquelle se seraient sans doute retrouvés les apparatchiks de feu l’Union soviétique. Les défauts cumulés des secteurs privé et public, en somme !
Le constat du profond malaise du système hospitalier public est aujourd’hui implacable sur de nombreux paramètres (salaires, moyens, gouvernance…) et les relations avec le secteur privé toujours compliquées en termes de coordination, comme l’a confirmé dans toute son horreur les loupés à répétition au début de la crise de la Covid.
L’Hôpital, dans sa dimension globale (Public, privé, ESPIC* pour le médico-social) est sur une position figée depuis plus de 30 ans, malgré une succession de lois (HPST*, LMSS*…), une frénésie législative dont la France a le secret. L’imbroglio juridico-administratif s’est mué en monstre bureaucratique, si bien que pour l’abattre et rendre l’hôpital aux patients et aux soignants, il faudrait tout remettre à plat et intégrer ces textes au sein d’une approche globale du parcours de santé du citoyen, en suivant une logique servicielle pour le citoyen français avec la digitalisation comme outil de fluidité, d’efficacité et de cohérence. N’oublions pas que nos impôts et différentes taxes servent à financer largement notre système hospitalier et qu’il est normal que nos concitoyens en attendent un service à la hauteur.
L’hôpital doit d’abord retrouver sa place et ses fonctionnalités dans les territoires intelligents au regard :
- De son environnement politique local (smart city, loi NOTRe).
- Des agents économiques qui gravitent autour de lui dans son territoire et qui peuvent être des facteurs favorisants de son bon fonctionnement avec les retombées économiques indirectes.
- Des agents sociaux (Conseil régional, départemental, associations).
Il ne s’agit pas là d’incantations à l’attention des gouvernants actuels et futurs, mais d’objectifs qui peuvent être atteints à court ou moyen terme sans injecter de nouveaux milliards là où ils seraient engloutis par la bureaucratie, sans bénéfice pour les patients ni les professionnels du secteur sanitaire et médico-social. Certaines initiatives très concrètes peuvent et même doivent être prises sans tarder :
- Imposer par les textes la digitalisation accélérée pour rendre l’hôpital coopératif sur les territoires intelligents (avec les GHT*, les cliniques, les ESPIC et tout le médicosocial).
- Imposer l’interopérabilité des SIH avec le CPTS (Communauté professionnelle territoriale de santé) et tout son environnement médicosocial au regard de l’espace numérique de santé et du patient acteur de sa santé.
- Pour les personnels de santé, outre les revalorisations salariales, favoriser l’hybridation des métiers avec des formations et des passerelles avec ceux de la ville et développer des évolutions de carrière dans le cadre de la révolution numérique.
- Redonner la gouvernance aux métiers et rationaliser le quota administratif soignant.
Ces dispositions techniques partent d’un constat : l’hôpital actuel est en grande difficulté et il serait vain et inutilement couteux de chercher à raccommoder chaque pièce défaillante. Au contraire, il faut basculer sans hésitation sur l’hôpital de demain, plus numérique, mais paradoxalement plus humain, car largement débarrassé du carcan administratif. Les Français sont très attachés à la qualité des traitements dispensés par leurs professionnels de santé, sous réserve que les moyens humains et financiers y soient consacrés avec efficacité pour leur assurer une meilleure prise en charge.
Nous devons impérativement repenser la gouvernance des établissements sanitaires dans un cadre territorial, en donnant plus de poids aux acteurs des métiers des soins. Cela permettra de mieux qualifier les besoins et de donner de la souplesse à l’ensemble de la prise en charge sanitaire, en coopération avec la médecine privée et la médecine de ville. Les technologies digitales seront un appui essentiel pour faciliter le parcours de soins des Français dans et à l’extérieur de l’hôpital.
Quant aux professionnels de santé, ils se verront enfin rendre des perspectives d’évolution, dont la rémunération n’est qu’un aspect, certes important, mais qu’il faut accompagner d’une juste reconnaissance du métier et de conditions de travail dignes d’un des pays les plus riches et développés de la planète. Sans ces perspectives, ces professionnels ne retrouveront jamais une motivation indispensable à acquérir ou conserver un niveau d’excellence réclamé par les Français.
Comme disait Clémenceau : « il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire »
L’heure est donc venue de briser les digues, de cesser les rafistolages ou les faux semblants. Le décloisonnement entre la médecine de ville et l’hôpital doit être imposé, car il est fondamental pour les Français de leur faciliter l’accès aux soins sur tous les territoires.
Ayons donc le courage de l’action avant qu’il ne soit trop tard…
Patrice CRISTOFINI
CEO Cristhold (conseil international)
Président d’Honneur et co-fondateur du club I-santé et du club Paris Shanghaï du CEPS (centre d’études prospective et stratégique)
* Abréviations et acronymes (dans l’ordre d’apparition) :
ESPIC : Établissement de santé privé d’intérêt collectif.
GHT : Groupement hospitalier de territoire.
Loi HPST : Loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, plus connue sous l’expression « Hôpital, patients, santé et territoire ».
Loi LMSS : Loi de modernisation du système de Santé (janvier 2016).
CCI : Chambre de commerce et d’industrie.
Loi NOTRe : Loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
SIH : Système informatique hospitalier
CPTS : Communauté professionnelle territoriale de santé