Samedi 20 novembre, un Gala pour la Paix mettra à l’honneur l’Esplanade des religions de Bussy-Saint-Georges en Seine-et-Marne, non loin de Disneyland Paris, où cinq grands cultes partagent le même parvis. Une conception pragmatique et tolérante de la laïcité et du vivre-ensemble.
« On pense que la religion doit relier les Hommes et non pas les diviser ». C’est sur la base de ce consensus que des croyants ont impulsé main dans la main un projet unique en Europe. Il y a désormais une quinzaine d’années, « la ville comptait une communauté asiatique importante », se souvient Claude Windisch, un habitant de la commune. Désireux de pratiquer le bouddhisme et l’hindouisme sur place, Taïwanais et Laotiens ont fait savoir à la commune leur désir de construire une pagode à Bussy-Saint-Georges. Mais au lieu d’accéder uniquement à leur demande, les pouvoirs publics ont mis à disposition toute une avenue dédiée aux lieux de culte. « Les autres religions présentes dans la commune ont été consultées avant de créer l’Esplanade et toutes ont affirmé que cela était une bonne idée », poursuit le Buxangeorgiens.
L’idée de créer un événement pour éclairer le parvis fraîchement sorti de terre a émergé de Claude Windisch. Ainsi, en 2015, une première édition du Gala pour la Paix voit le jour. « Elle s’est déroulée le 21 novembre, huit jours après les attentats de Paris [du 13 novembre, NDLR]. » Choisir de tenir l’événement malgré le drame « constituait la meilleure réponse que nous pouvions donner », appuie l’organisateur.
« Faire ensemble »
Six ans plus tard, l’Esplanade prend forme. La synagogue, logée jusqu’à présent dans un préfabriqué, va bientôt déménager à côté de la mosquée. « Nous aurions pu construire le lieu de culte à 700 mètres de la mosquée. Pourtant on a choisi d’emménager à 3 mètres d’elle », révèle Claude Windisch qui est également le représentant de la communauté juive de Bussy-Saint-Georges.
Son homologue hindouiste Jenish Parekh va dans le même sens en indiquant que « rassembler les religions » dans un même parvis invite « à se mélanger au quotidien ». Il enchérit : « Je fais partie des 300 personnes hindouistes se rendant chaque semaine à des réunions communes. Mais à côté, j’échange avec tous les croyants et leur vision de la foi inspire la mienne ».
Une troisième édition sous le signe des droits de l’enfant
Le gala prévu ce samedi 20 novembre fignole ses derniers préparatifs. Alors qu’il y a six ans, l’événement se tenait aussi au lendemain de la COP 21, l’édition 2021 tombe à la même date que la Journée mondiale de l’enfance.
Est-ce une coïncidence ? À cette question, Claude Windisch répond que ce « choix a été délibéré » en ajoutant : « On choisit toujours une date fin novembre qui correspond avec les restrictions religieuses de chacun ». Or, par exemple, du côté de la communauté juive, il est impossible d’organiser le gala vendredi soir en raison des préparatifs de Shabbat. Cette fête religieuse se terminant relativement tôt lorsque vient l’hiver, elle laisse le champ libre à un événement samedi explique le croyant.
Pour l’occasion, « des enfants musulmans se présenteront sur scène en chantant tous ensemble », affirme gaiement Farid Chaoui, membre de l’association « Tawbi » ». Pour lui, le gala aura pour rôle de « faire d’une pierre deux coups » en rappelant « la précieuse place qu’ont les plus jeunes dans chaque religion ». Même son de cloche du côté de la vénérable Miao Da qui souligne : « J’ai fait le choix de laisser aux enfants la liberté de retenir la chanson qu’ils préféraient. Cette valeur de liberté est très importante dans le bouddhisme ».
La difficulté à retenir un lieu de fête neutre
Quant à l’endroit retenu pour héberger l’événement, l’organisateur tient à affirmer que la volonté commune était de choisir un lieu neutre. « Seulement c’est impossible », constate-t-il : « Notre ville [forte d’environ 26 000 habitants, NDLR] ne dispose en effet d’aucune salle capable de réunir les 1 200 spectateurs espérés samedi ». De fait, le choix s’est finalement porté sur l’immense église Notre-Dame du Val. « L’édifice religieux est le seul endroit où nous puissions accueillir tout le monde », résume Claude Windisch.
Le représentant de l’Eglise, le prêtre Dominique Fontaine, insiste sur le sens du lieu hôte du gala : « L’un des effets de la crise sanitaire est que nous nous sommes rendu compte, croyants comme non-croyants, du besoin de la dimension spirituelle dans nos vies. Et quand elle est portée main dans la main par toutes les religions, cela représente un beau témoignage pour toute l’humanité », synthétise-t-il avec philosophie.
D’ailleurs, ce message a manifestement inspiré d’autres croyants puisqu’une communauté éthiopienne, particulièrement mobilisée dans les préparatifs du gala, a récemment proposé à la ville de fonder une église orthodoxe sur le parvis. « Constater qu’une nouvelle communauté nous rejoint m’invite à penser que notre Esplanade est un succès », conclut modestement mais non sans fierté le prêtre de Bussy-Saint-Georges.
Noé Kolanek
Informations pratiques : samedi 20 novembre 2021 à partir de 19h45, Église Notre-Dame du Val, 33 Bld Thibaud de Champagne 77600 Bussy-Saint-Georges, Passe sanitaire requis. Entrée libre.
Entretien avec Yann Dubosc, maire de Bussy-Saint-Georges
À un mois de ses 53 ans, l’édile buxangeorgien, Yann Dubosc, va vivre sa deuxième édition du Gala pour la Paix. Il a été réélu maire de Bussy-Saint-Georges pour la deuxième fois consécutive le 28 juin 2020. À quelques jours de l’événement, le membre de LR s’est prêté à nos traditionnelles « questions/réponses » sans langue de bois.
Opinion Internationale : Quel est le message véhiculé par le Gala pour la Paix et l’Esplanade des Religions ?
Yann Dubosc : Il s’agit avant tout de porter les valeurs du vivre-ensemble, de mettre à l’honneur la paix au travers d’un événement caritatif dans lequel les cinq grandes religions se tiennent la main.
La tenue d’un tel événement n’est-elle pas paradoxale, voire antinomique, avec la laïcité en France ?
Non, au contraire. La laïcité ne consiste pas à nier l’existence des religions dans les cœurs de nos concitoyens, mais à veiller à ce que l’expression religieuse soit possible dans les limites des règles imposées par la République. L’Esplanade et l’événement du gala invitent à faire connaissance avec ces religions. Cela me paraît être une bonne chose, car il n’y a pour moi rien de pire que l’ignorance. Elle entraîne un sentiment de peur et éloigne nos concitoyens les uns des autres.
L’existence à la fois de l’Esplanade et du Gala pour la Paix revêtit-elle un caractère spécial en cette période quelque peu hystérique de l’élection présidentielle ?
Bien sûr que Bussy-Saint-Georges délivre un tout autre message dans cette période où on entend des discours discriminants voire violents envers certaines communautés. L’événement souhaite montrer que des communautés différentes peuvent tout à fait vivre ensemble. Lorsque la communauté internationale a découvert le sort des Rohingyas, ou après chaque attentat, c’est à chaque fois des représentants religieux qui ont en premier pris la parole pour véhiculer à la fois des signes de paix et la volonté inchangée de vivre ensemble.
Parmi tous ces croyants, tous ces religieux, le maire n’exerce-t-il pas une forme de magistère presque spirituel, certes immanent comme le dirait Spinoza ?
Oui. Le fait religieux fait en effet partie du quotidien de la plupart des habitants de Bussy-Saint-Georges. Or, un maire gère ses habitants de la crèche au cimetière et dans mon cas, il doit aussi gérer le fait religieux puisqu’il s’inscrit dans toutes les tranches d’âge de ma commune. Le Maire est le garant laïc des autres représentants religieux, au-delà même de sa dimension administrative. J’ai donc choisi d’être membre de l’association de l’Esplanade des religions pour m’assurer du respect de la laïcité. Mais je vous « confesse » que mes concitoyens qui portent cette belle création y sont eux-mêmes très attachés.
Propos recueillis par Michel Taube et Noé Kolanek