Outre-Mer Martinique
07H22 - lundi 22 novembre 2021

Les Antilles françaises vont-elles courir longtemps au suicide ? L’édito de Michel Taube

 

C’est la semaine de tous les dangers aux Antilles !

En Guadeloupe, malgré le couvre-feu décrété il y a deux nuits déjà, malgré l’arrestation et l’incarcération de plus de 40 personnes, les violences continuent à Pointe-à-Pitre. L’envoi de 220 forces de l’ordre, dont 50 agents du GIGN et du RAID, portant à 2200 les forces de sécurité, suffira-t-elle à ramener l’ordre public, indispensable priorité du moment ? Une grève illimitée a été proclamée en signe d’opposition au pass sanitaire et à l’obligation vaccinale des soignants contre la Covid-19.

Des armes ont été volées, les réserves des douanes ont été pillées et l’insurrection semble être organisée. La reprise en main de la situation sécuritaire est la priorité et d’une urgence absolue ! Pourquoi donc la préfecture a-t-elle tant tardé à réagir avec fermeté alors que des signaux d’alerte lui parvenaient de plusieurs sources ?

En Martinique, les syndicats appellent aussi à une grève générale lundi. L’arrivée demain des vainqueurs de la Transat Jacques Vabre, événement qui devait porter un regard positif sur les Antilles, fait craindre une flambée de violence.

Ary Chalus, président de la Région Guadeloupe, regrettait sur France Info samedi 20 novembre, de ne pas avoir été convié à la cellule de crise présidée le même jour par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin place Beauvau. Ary Chalus soulignait qu’il avait eu « le courage, selon ses dires, d’appeler le ministre de la Santé pour rapidement trouver une solution pour éviter absolument ce qui se passe en Guadeloupe » mais qu’il avait eu « un retour négatif à la limite du mépris ».

 

La violence de la mobilisation contre le pass sanitaire date de l’été. Déjà en octobre dernier, le directeur du CHU de Martinique, sur instruction de l’ARS et du préfet, avait reculé en reportant au 31 décembre l’obligation vaccinale des soignants sous la pression de manifestants qui, devant les portes de l’hôpital, n’hésitaient pas à agresser les professionnels venus en renfort de la métropole, mais aussi les soignants locaux et les malades eux-mêmes. Ce qui avait été perçu comme une mesure d’apaisement a, en réalité, galvanisé les anti-vax : on s’en rend compte aujourd’hui !

On dirait que les Antillais voudraient un régime dérogatoire à la gestion de la crise Covid. Mais la Covid ne fait pas dans la décentralisation. Dans le monde entier, les gens se vaccinent ou aimeraient bien avoir accès au vaccin. Ce dernier n’empêche pas d’ailleurs, comme nous le défendons depuis 2020, d’utiliser des plantes et des médecines naturelles, complémentaires des remèdes issus de la recherche scientifique.

 

Un malaise antillais ravivé par la crise Covid

Bien sûr que Paris a négligé les Outre-Mer depuis des décennies : vie chère, chômage endémique, urbanisme délabré, méfaits du chlordécone, ruptures incessantes dans la distribution d’eau potable, incendie du CHU de Pointe-à-Pitre… Les solutions pour les Outre-Mer, ce sixième continent comme l’appelait Claudy Siar dans une interview récente pour Opinion Internationale, seront-elles enfin un des enjeux de la prochaine élection présidentielle ?

Les Antilles se sentent incomprises, délaissées par Paris, insuffisamment associées par l’Etat et les préfets qui la représentent sur place aux politiques publiques décidées loin d’elles : bref, aux sens symbolique et très concret du terme, les préfets ne parlent pas assez créole aux Antillais.

Ainsi, la politique d’explication du pass sanitaire n’a pas été suffisamment menée en local. La faute aussi, comme nous le dénoncions récemment, aux leaders d’opinion locaux tels un Teddy Riener, et surtout aux élus locaux qui jouent souvent un double-jeu entre leur électorat et leurs vraies obligations de service public. La caricature en est Christiane Taubira qui oscille d’engagements humanistes que nous saluons en positions démagogiques et électoralistes à courte vue de quasi-soutien aux anti-vax. Il est vrai que les élections législatives se rapprochent à grands pas… Résultats, les élus locaux des Antilles ont tardé, et souvent à reculons, à appeler leurs concitoyens à se faire vacciner et à faire dans les écoles, les familles et les lieux de vie collective le nécessaire travail de pédagogie.

Résultat, le malaise est très profond, comme nous l’expliquait en juillet l’historienne martiniquaise Valérie-Ann Edmond-Mariette. Au point que de nombreux jeunes des Antilles ont du mal ou n’arrivent pas à dire « Vive la France ».

La réalité est que le vaccin est un déclic mais surtout un prétexte idéal pour les séditieux, pour les partisans de la rupture avec Paris, avec la France. Les décolonialistes racialistes ont le vent en poupe aux Antilles. Quitte à mettre la population en danger de maladie grave et de mort lors des prochaines vagues de l’épidémie de la Covid-19. Car il est fort probable que le faible taux de vaccination des habitants ne protégera pas les Antilles. Les centaines de médecins et de soignants ultra-marins qui appelaient à la vaccination n’ont pas été entendus par leurs coreligionnaires. Comme l’écrit Emmanuel de Reynal, un de nos chroniqueurs Outre-Mer, « ce vaccin n’est pas responsable de nos malheurs. Il n’est responsable que des vies qu’il sauve. »

 

Ne laissons pas le pouvoir aux séditieux

Pour l’heure, le climat est à l’insurrection. En Guadeloupe, le leader indépendantiste Elie Domota, qui avait déjà conduit un mouvement de révolte en 2009, mais qui à l’époque portait des revendications plus sociales, s’est fortement radicalisé et veut en découdre avec l’autorité. Il est temps d’arrêter ces débordements révolutionnaires et que chef du LKP réponde de ses actes devant la justice.

Le gouvernement se rend-il compte que l’heure est grave et que la crise va bien au-delà de la flambée de violence du moment. De nombreux Antillais commencent sérieusement à se dire qu’ils vont quitter l’île. Ne pas en prendre conscience, c’est vraiment la meilleure façon de se préparer au pire. Certains vont même jusqu’à parler de guerre civile.

A ce rythme-là, les Antilles françaises vont au suicide. La démographie vieillissante des îles, nourrie par l’émigration en métropole et vers les Amériques de nombreux jeunes ultra-marins, en est la traduction la plus cinglante.

Cette situation est d’autant plus absurde que les séditieux, certes très actifs sur les réseaux sociaux, sont ultra-minoritaires. Toutes les études montrent que les Antillais sont largement partisans du maintien dans la métropole.

Ironie de l’histoire : c’est en Guadeloupe (avec Wallis et Futuna) qu’Emmanuel Macron avait fait le plus de voix au premier tour de l’élection présidentielle en 2017 de tous les Outre-Mer. Prendra-t-il la parole ? Espérons qu’il ne tardera pas à s’exprimer avec force, contrairement aux interminables trois semaines de silence qu’il avait observées en novembre 2018 lorsque s’était déclenché le mouvement des gilets jaunes.

Quant aux Antillais eux-mêmes, plutôt que de sombrer dans une aventure sans lendemain, ils feraient mieux de suivre les pas du grand Aimé Césaire qui, d’autonomiste très critique de la France, est devenu un des champions du super-départementalisme antillais.

En attendant que cette grâce césairienne ne les ramène sur le chemin de la France, il est urgentissime de renouer le dialogue entre Paris et les Antilles. Le premier ministre Jean Castex réunira ce soir les parlementaires antillais. Se rendra-t-il en Guadeloupe ? Enverra-t-il l’armée si la violence continue et s’étend ?

Ce dialogue ne doit pas de cantonner à une réunion : comme nous le confie Alain Dupouy, chroniqueur Opinion Internationale, « il doit associer les élus régionaux, les Maires, les organisations syndicales, officielles (pas les activistes séditieux comme ceux du LKP d’Elie Domota), les préfets qui ne doivent pas être trop isolés dans leur charge locale mais qui ne sont pas toujours suffisamment « pénétrés » des subtilités locales ! » La venue sur place de membres éminents du Gouvernement, Jean Castex, Gerald Darmanin et Olivier Veran, serait un signe fort si elle s’effectue dans cet état d’esprit. 

A trois semaines du dernier référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, un véritable Grenelle des Caraïbes, sur place et pas à Paris, est nécessaire pour ramener durablement le calme. Cette initiative permettrait de faire taire les Domota bien au-delà de la reprise en main sécuritaire de l’Ile pourtant impérieuse.

 

Michel Taube

Directeur de la publication

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