Le 1er octobre 2021 est entrée en application la nouvelle réforme de l’assurance chômage. Mais à quoi sert donc Pôle Emploi ? À trouver du travail aux millions de chômeurs ? Certainement pas ! Jean-Pierre Reymond, journaliste spécialisé dans l’aménagement du territoire s’est frotté au système pour la première fois à plus de 50 ans. Pendant trois ans il tentera de décrocher un boulot et de comprendre cette machine qui emploie 55 000 salariés et tourne avec un budget de 5 milliards d’euros !!
Or, selon l’auteur, « pour 90 % d’entre nous, ils ne servent à rien, ou presque. Si ce n’est à nous asservir, à nous mettre sous la dépendance de cette machine à broyer pour que nous finissions par accepter les lois du marché, autrement dit le moins-disant social pour les plus démunis ».
Pourtant, les demandeurs d’emploi n’ont de cesse d’être convoqués, rabaissés, voire fliqués, infantilisés et menacés. Jean-Pierre Reymond dénonce dans son ouvrage les incohérences administratives, les formations inutiles, les « job datings » sans queue ni tête. Il évoque aussi la terrible obéissance à laquelle le mammouth Pôle Emploi s’attend de la part de ses bénéficiaires qui ne font que réclamer un dû auquel ils ont contribué. « Ces fameuses indemnités ne tombent pourtant pas du Ciel ! Elles proviennent bien des cotisations encaissées grâce à notre travail. »
Avec humour, il raconte ses trois ans de cauchemar et d’humiliation, qui transforment le chômeur en un coupable « qu’il faut remettre dans le droit chemin ». On passe des méandres des rendez-vous avec des conseillers débordés à ceux, incompréhensibles, des formations, chapitre qui parlera à tous ceux qui ont tenté un jour de solder leur CPF. Pourtant, le premier assisté dans cette affaire, c’est Pôle Emploi qui, plusieurs fois épinglé par la Cour des Comptes, ne remplit pas la moitié de son office, soit d’accompagner les chômeurs vers le retour à l’emploi (la partie indemnisation fonctionne plutôt correctement). Et pour cause ! « Sa méconnaissance de l’entreprise est tellement abyssale que rares sont les employeurs qui lui confient leurs recrutements ». Peut-être ses salariés devraient-ils bénéficier des fameuses formations qu’ils proposent…
Le journaliste raconte son « ami Pôle » avec une plume enlevée, martelant des chiffres saisissants (500 000 euros ont été dépensés en agence de communication pour trouver le nom « Pôle Emploi » et 500 000 de plus pour le logo !) et des faits vécus dans la douleur et la stupéfaction. Il nous narre la logistique impossible, les doutes sur la voie qu’il a choisie, les rencontres absurdes et l’utilisation de logiciels datant de 1982. Il parle de fracture numérique avec le « service » du 39-49, des lettres de ses conseillers ornées de smileys, du cheminement vers la création d’entreprise et des problèmes financiers inévitables.
Entre culpabilité et colère, espoir et déprime, ce livre est le reflet de notre époque où l’homme dépend d’un système informatisé, déshumanisé. « Pour le gouvernement, explique l’auteur, la réforme de l’assurance chômage part de l’idée que la modification des règles d’indemnisation poussera les chômeurs à retrouver un emploi, quel qu’en soit le prix. (…) Dans son monde idéal, le gouvernement pense qu’un jeune horticulteur renoncera à ses rêves et à son métier et qu’il franchira enfin la rue pour cesser d’être un assisté. »
Spoiler : Jean-Pierre Reymond n’a pas retrouvé d’emploi. Il continue à jongler entre piges de plus en plus mal payées, CDI à temps partiel et bouquins. Mais il ne vit plus sous la coupe de l’assurance chômage et de sa pression permanente. De plus ce livre, en dehors d’un parcours entre rires et larmes, propose des pistes et des solutions pour une France allégée de ses couches administratives et qui gagnerait à un peu plus de compassion et de sensibilité.
À lire. Que vous ayez été au chômage, que vous soyez sans emploi ou que vous soyez sur le point d’être licencié.
« ;-) » comme écrirait l’ami Pôle.
Pôle Emploi, la machine à asservir, de Jean-Pierre Reymond, éditions Max Milo
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Deborah Rudetzki