Edito
06H55 - mercredi 1 décembre 2021

Zemmour candidat : Apocalypse now ou nouvel Appel du 18 juin ? L’édito de Michel Taube

 

Éric Zemmour a donc annoncé sa candidature à la présidence de la République.

Son annonce fut extrêmement scénarisée. Façon appel du 18 juin 1940. Il ne lui manquait que le képi du général de Gaulle. Presque deux millions de visionnages ont déjà eu lieu sur YouTube malgré la suspension de tout diffusion par les grands médias de la version complète du « film » pour cause de violation flagrante des droits à l’image dans la vidéo. « Une affaire de juristes », selon Eric Zemmour.

Le fond fut du pur Zemmour : restaurer la grandeur de la France et y sauver la civilisation européenne. Pour Éric Zemmour, c’est Apocalypse now ! Sera-t-il le sauveur ? Son choix de campagne est clair : la dramatisation à outrance.

On connaît l’ascension d’Éric Zemmour dans l’opinion. Jamais un non-candidat n’était monté aussi haut dans les sondages. L’essayiste s’est senti porté par une lame de fond dont on saura à la fin de la campagne présidentielle si elle fut plus une bulle médiatique (et une méga promo de son dernier livre) que les premières secousses d’un véritable tremblement de terre. Il fut la star du début de campagne, lui qui secoua vigoureusement le cocotier France afin d’en faire tomber ce qu’il considère comme son unique – aujourd’hui son principal – problème, source de tous les autres : l’immigration massive.

Puis vint en octobre et novembre l’accumulation des fausses notes et d’outrances révisionnistes qui ont déçu nombre d’enthousiastes de la première heure. Zemmour serait-il une mauvaise réponse à un vrai problème ? Ni plus ni moins que d’autres nationalistes ou extrémistes de tous bords ? Le doute s’est installé.

Éric Zemmour veut débuter son mandat par un référendum sur l’immigration dans tous ses aspects : islam, flux migratoires, délinquance, prestations familiales… On sait aussi qu’il veut réindustrialiser la France, mais pas comment il compte y parvenir. Au 20 h de TF1, Gilles Bouleau ne lui aurait pas laissé le temps de s’en expliquer. Éric Zemmour a cru qu’il allait pouvoir étaler son programme, et s’est plaint directement à Gilles Bouleau de ne pas lui en avoir donné le loisir. Après l’interview, il attaquera vigoureusement le présentateur de la première chaîne, accusé d’être un procureur plus qu’un journaliste. Ses rapports avec la presse s’annoncent des plus sympathiques dans les mois qui viennent !

Pour la suite du programme, on attendra donc. Mais il ne faut pas espérer d’énormes différences avec celui de Marine Le Pen, voire de LR, s’agissant de l’immigration. À l’extrême droite, il y a bien un fauteuil pour deux (un pour quatre ou cinq à l’extrême gauche, verts/rouges compris).

Éric Zemmour affirme avoir fait sa mue. Fini le journaliste, l’écrivain, le polémiste. Il veut être considéré comme ce qu’il est désormais : candidat à l’élection présidentielle. En octobre, il était l’intello compétent et cultivé, et Marine Le Pen l’incompétente qui, pour se dédiaboliser, se serait vendue à l’idéologie UMPS. En novembre, ce fut presque l’inverse : les outrances de Zemmour ont rendu Marine Le Pen fréquentable.

Reste une énigme que nous soulignions la semaine dernière : Eric Zemmour recule dans les sondages parce que ses outrances révisionnistes ont commencé à sérieusement le couper de la part de la classe moyenne qui vote à droite. Son dessein de rassembler ces derniers avec les classes populaires qui votent à l’extrême-droite commençait à sérieusement s’éloigner.

Nous pensions que dans sa déclaration de candidature le polémiste candidat ferait son mea culpa et recentrerait son propos pour rassurer « les bourgeois ». C’est un peu ce qu’il a entrepris en insistant sur TF1 sur le vote des femmes et des Français de confession musulmane, dont il a dit être leur meilleur avocat ! Désormais, il aspire à inverser à nouveau la vapeur, à gommer l’image du provocateur agressif qu’il a si longtemps cultivée. Il veut endosser le costume du président, tout en restant dans un trumpisme débridé et assumé.

Zemmour est sur la corde raide. La campagne électorale commence ! La politique, du moins la conquête du pouvoir, c’est la guerre ! Saura-t-il batailler avec ses ennemis comme avec les mots ?

Si début mars 2022 (le nouveau candidat a annoncé sur TF1 avoir déjà 200 à 300 parrainages de maires, avant de les appeler à ne pas priver les Français du débat démocratique), les deux stars du nationalisme sont effectivement sur la ligne de départ, le candidat LR qui sera désigné samedi 4 décembre aurait de grandes chances de les coiffer au poteau, et ensuite d’affronter Jupiter.

Le soir même de l’entrée en lice d’Éric Zemmour, LR organisait son quatrième débat avant le vote des militants. Il ne manquera bientôt plus qu’Emmanuel Macron pour que le show batte son plein. Le show, précisément, Éric Zemmour le fera dimanche 5 décembre au Zénith de Paris. On saura très vite s’il est l’homme qui incarne une lame de fond de cette France en colère, de ces Français exaspérés et révoltés, que seule lui et quelques autres semblent voir arriver.

Durant cette période, on plaint celles et ceux qui ne s’intéressent pas à la politique autant que ceux qui ont horreur du foot pendant une coupe du monde. Sauf que, malgré leur saturation et leur scepticisme, les Français auraient tort de ne pas voter en avril prochain. Car ici, on paye après le spectacle.

 

Michel Taube débattait de la semaine politique le 28 novembre avec Guillaume Bigot, éditorialiste, sur CNEWS

 

Michel Taube

Directeur de la publication

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