Elle s’agace des lenteurs administratives et des strates qui freinent le système, mais au lieu de n’être qu’une Française de plus qui râle, Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic, propose des pistes pragmatiques pour améliorer les services (et le service) de la République dans son livre « La France sens dessus dessous » aux éditions Eyrolles.
Luc Ferry qui a signé la préface, explique que « dans de nombreuses pages, l’auteur, comme beaucoup de chefs d’entreprise aujourd’hui, se livre à une critique féroce des lenteurs d’une administration jugée courtelinesque, à la fois tatillonne, peu réactive et hostile à toute espèce de réforme ».
Sophie de Menthon a écrit cet ouvrage, car durant le confinement il lui a souvent semblé être considérée comme « SOS entreprises ». Elle a ainsi pu constater les dysfonctionnements récurrents auxquelles ces dernières se sont trouvées quotidiennement confrontées. « Tous les problèmes que nous avons généralement avec l’administration se sont décuplés lors du confinement », affirme l’auteur de l’ouvrage.
Elle a été particulièrement choquée par le fait que le gouvernement allait jusqu’à l’empêcher de prendre soin de ses employés, de leur prendre la température ou de les tester. « En revanche on nous contrôlait sans cesse sur le télétravail. À partir de ce constat, j’ai passé en revue ce qui était un manque de confiance permanent envers le monde de l’entreprise. Nous sommes 3,2 millions d’entreprises en France et nous savons très bien comment gérer nos salariés ! », s’emporte-t-elle.
Dans « La France sens dessus dessous », elle dépeint avec humour le ras-le-bol qu’a déclenché cette situation, « sous l’emprise d’une administration en roue libre ». Elle déplore également cette défiance face au privé, alors que les cliniques par exemple se disaient prêtes à accueillir les patients lorsque les hôpitaux étaient saturés.
Alors, comment s’en sortir ? « Le fondement pour réformer la France, c’est de décider quelles sont les missions régaliennes de l’État et à quels postes doit réellement s’appliquer le statut de fonctionnaire. Or aucun candidat ne le propose, souligne Sophie de Menthon. Remettre la France au travail c’est la remettre dans un esprit entrepreneurial. Car les fonctionnaires, aussi motivés soient-ils à titre individuel, ne bénéficient d’aucun challenge, d’aucune concurrence ni d’aucune récompense ».
Plus généralement, elle critique la déresponsabilisation individuelle et l’attentisme des Français envers l’État dans une société où personne n’est coupable, personne n’est responsable. « Nous avons un État qui vend de la gratuité à ses électeurs et ils ne se rendent donc pas compte des coûts. Si on nous présentait la facture à l’hôpital – tout en étant remboursés –, on comprendrait mieux où vont nos impôts par exemple et on se sentirait plus investis ».
Elle raconte aussi les conférences interministérielles où tout le monde se renvoie la balle, le « pauvre président » qui aimerait tant faire des réformes sans y parvenir, la proportion de personnel soignant versus le personnel administratif, elle narre les longueurs administratives pour faire homologuer des solutions anti-Covid (peintures virucides, détecteurs de CO2…).
Mais pourquoi est-ce si difficile ? « Parce qu’il n’y a pas de responsabilité au sein de l’État, la dilution des responsabilités est gigantesque. Les strates administratives, les commissions, les comités pour valider sont étouffants ». Elle suggère ainsi de regarder du côté de la Suisse et de redonner un peu de pouvoir à la société civile.
Elle donne pour exemple les débats politiques qui, à la télévision, ne se déroulent qu’entre journalistes et hommes politiques, sans penser à inviter sur les plateaux chefs d’entreprise et salariés qui ont pourtant des interrogations à formuler.
Les pages de son ouvrage se lisent comme un roman, ou plutôt comme un spectacle de Lucchini, avec cynisme, sourire et un brin de désespoir lorsque l’on comprend que la tâche à laquelle il conviendrait de s’atteler est tout simplement titanesque.
« J’ai lu ce livre d’une traite, la plupart du temps dans une approbation enthousiaste, tantôt dans des divergences de vue qui m’ont forcé à réfléchir, ce qui ne fait jamais de mal. Ce qui m’a tout particulièrement intéressé, c’est son caractère de témoignage, à vrai dire de document sur l’état d’esprit des chefs d’entreprise dans la France d’aujourd’hui. Ne serait-ce qu’à ce titre, il devrait être d’une lecture indispensable pour ceux qui nous gouvernent ou qui, à tout le moins, prétendent le faire », conclut l’ancien ministre Luc Ferry.
Espérons que les candidats à l’élection présidentielle auront le dernier Sophie de Menthon sur leur table de chevet.
La France Sens Dessus Dessous, éditions Eyrolles
Deborah Rudetzki