Outre-Mer
14H39 - lundi 6 décembre 2021

Antilles : jusqu’à quand va-t-on laisser se dégrader la situation ?

 

Non, rien n’est réglé aux Antilles ! Pas même le retour à l’ordre public ! Encore moins la résistance au Covid et à la 5 ème vague ! Encore moins la vie quotidienne, laissant toujours les habitants de ces Départements dépendre des blocages et autres contraintes qui y sont dus : pénurie d’essence ou accès impossibles aux stations, baisse des assortiments de produits alimentaires dans les supermarchés, parfois inaccessibles, perturbation des écoles, des entreprises… etc. Et les problèmes de fond qui restent sans solution pour le moment !

Ce n’est pas la visite éclair du ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, certes déterminé à rétablir l’ordre public, mais qui, une fois le dos tourné, après ces 5 minutes de fausses négociations en Guadeloupe avec des syndicats extrémistes et non représentatifs, et ces 2 heures d’entretiens avec d’autres syndicats Martiniquais et cette fois les élus de la CTM (Collectivité Territoriale Martinique), ne peut que constater que, pour l’heure.. rien n’est réglé.

Une certaine presse française laisse entendre que désormais, tout va bien outre Atlantique, la vie normale aurait repris, et qu’après la tension antillaise, on doit maintenant donner priorité à l’épreuve électorale en Nouvelle-Calédonie, maintenue au 12 décembre. Cela n’est pas la vraie information : rien n’est réglé aux Antilles et
il faut comprendre ce qui s’y passe… Qu’en est-il ?

Les problèmes sont triples : la crise de l’ordre public, la crise sanitaire et surtout la crise économique et sociale qui frappe ces Départements depuis des décennies.

L’ordre public a été partiellement rétabli en journée, grâce à la levée des principaux barrages. Il faut rendre hommage aux dispositions prises par le Gouvernement pour y parvenir « petit à petit » .La présence de l’État est désormais visible, et a permis de décongestionner la circulation des automobilistes. Mais il persiste encore, tant en Martinique qu’en Guadeloupe et à Saint-Martin, des attaques nocturnes de certains quartiers, des violences, des agressions provoquées par ces jeunes délinquants, qui ne peuvent être stoppée que par les forces du Raid ou du GIGN, occupée à faire tomber les barrages et libérer les ronds-points..
Qu’en est-il de ces éventuels rapprochements entre syndicats de Guadeloupe et ceux de Martinique, pour solidariser le conflit entre les 2 iles et le durcir ? Veulent-ils, en bloquant les équipements économiques (port, Zones commerciales, raffinerie, stations essence), tendre à changer de cible pour mieux pointer du doigt les nouveaux boucs émissaires des malheurs du peuple ?

Il reste donc beaucoup à faire et la vie des citoyens antillais n’est pas revenue véritablement à la normale. Tant s’en faut.
Qui sait, à part les résidents martiniquais, que ce week-end, le Port de Fort-de-France était autorisé provisoirement (jusqu’à lundi), par l’intersyndicale en poste, à laisser sortir quelques containers , pour approvisionner les magasins en produits alimentaires et éviter le vide progressif des rayons ? Il se dit pourtant, qu’à compter de mardi 7 décembre, on pourrait retomber dans des blocages sévères de tous les points névralgiques des 2 iles, avec possibilité de « grève générale » dans les semaines à venir. (interview Philippe Jock, Président de la Chambre de Commerce Martinique.) À suivre.

Cette pratique radicale (et illicite) de la grève ne manque pas de faire naitre de vives tensions au sein de la société antillaise. L’immense majorité des habitants condamne les blocages et aspire au retour à la vie normale. Certains groupes citoyens en Guadeloupe ont même lancé un appel au Président Macron pour faire procéder à la dissolution du syndicat « terroriste » UGTG !

Côté Covid, la crise sanitaire est toujours catastrophique : en attente peut être d’une cinquième vague, les hôpitaux sont submergés, les services de réanimation encombrés , et pourtant on ne sort pas de ces clichés incroyables de ceux qui redoutent de se faire vacciner, n’ayant pas confiance dans les produits injectés, échaudés, en mélangeant tout, par l’histoire étouffée trop longtemps du chlordécone, et la progression des vaccinés est encore trop lente .L’irrespect des acteurs du Corps médical, locaux ou venant de l’hexagone, insultés, rejetés, et du coup, effondrés, et cela devant une indignation trop molle des élus locaux…

Heureusement, certains élus, toutefois , tel que le Maire de Saint-Pierre, Christian Rapha, au nord de la Martinique, ville au pied de la montagne Pelée, s’escriment à inciter ses concitoyens, au micro de sa voiture municipale, dans les rues de sa ville, à se faire vacciner, faisant même parfois du porte-à-porte pour convaincre tel ou tel « copain » résistant. La Sénatrice Catherine Conconne fait tout, elle aussi, pour inciter ses collègues élus à en faire autant… et les dissuader de cette irrationalité du peuple à se braquer contre le vaccin, pourtant seule arme dans le monde pour résister à la pandémie.

Mais ils sont trop peu nombreux à oser le discours de vérité ! Bon nombre d’Antillais ne comprennent pas ces discours enragés, irréfléchis , contre le vaccin : « réflexion sé biten a fwansé, sé biten a blan » La réflexion c’est une affaire de Français, c’est l’affaire des Blancs ! et là on tombe vite dans une opposition Métropole/Outre-mer. Même pour les précautions sanitaires, encore trop de résistance : « blan la di zot poté mask, et zot ka obéyi ? » Le blanc vous dit de porter le masque et vous obéissez ? » Évocation de la soumission ! (extrait article Jacky Delaunay)

Tous ces clichés heureusement minoritaires sont le résultat des contre-vérités colportées dans les « réseaux sociaux », mais aussi par la mauvaise foi des activistes. Et c’est ainsi que l’on glisse vers un débat lunaire repris maladroitement par le ministre Lecornu, et à son retour, renchéri, par le Président de la République, au Conseil des ministres : « et si on parlait de l’autonomie »… !!!!
Quelle erreur ! ne confondons pas autonomie politique et autonomie totale, voire indépendance..
De ce dernier concept, personne ne veut. Personne n’imagine « sortir » de la République française : la majorité de la population antillaise est très attachée à la France, consciente de faire partie du destin national et la totalité est consciente qu’elle a tout à y perdre !

Même les syndicats, même les extrémistes aux comportements violents , ne seraient pas favorables à l’autonomie ! ce n’est pas cela qu’ils veulent. Ils préfèrent réclamer l’ajustement, le « toujours plus » de la part de l’État, de manière souvent excessive, comme les ex-LKP, UGTG, les CSTM. leurs arguments ne tiennent pas debout. Ils n’ont fait que ruiner, par leurs excès , les maigres chances de développement économique. Comme le dit Mme la Professeur Anne Marie Le Pourhiet, ancienne enseignante pendant 6 ans à Université Antilles Guyane : « .. des territoires insulaires privés de toute réelle compétitivité par un système social extravagant et une fonction publique sur-rémunérée ».

Ce n’est pas par des exigences inconsidérées que l’on parviendra à rattraper les retards accumulés depuis tant d’années , dans beaucoup de domaines (équipements, aménagements, droits sociaux et niveaux de vie.).
Et ce n’est pas, bien sûr, en une visite à la sauvette d’un ministre qu’on règlera toutes ces carences incontestables.

En revanche, l’autonomie politique, elle existe déjà, même si elle peut être améliorée, et pas seulement par Paris. Les Collectivités locales, réorganisées selon l’article 73, ont été aménagées de manière spécifique pour les Départements d’Outre-mer, sans aller encore jusqu’à l’organisation, bien décentralisée, des territoires d’Outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie… qui, eux, n’ont jamais été Départements).

Alors c’est à se demander, dans quel but, tant le ministre Lecornu que le Président Macron ont « lâché » la phrase : « et on peut parler d’autonomie ». Et si c’était pour faire peur ? Du style, « si vous n’êtes pas raisonnables, on peut aussi vous concéder cette autonomie », mais la majorité jusque là silencieuse des Antillais et même Guyanais et Réunionnais ont une peur bleue de cette éventualité qui les plongerait dans l’inconnu. ! Mais faire peur au peuple, est-ce la bonne méthode ?

Et l’on en arrive à cette urgence, absolument capitale : même si chacun se tourne vers l’actualité nationale, pré-présidentielle, l’élection primaire de Valérie Pécresse, le grand meeting de Zemmour, avec ou sans masques, le retour de Mélenchon, etc. … il semblerait que le scrutin proche de la Nouvelle-Calédonie, certes important, efface l’actualité brulante de l’Outre-mer Caribéen .. !

La grande urgence, c’est, dans les plus brefs délais, de convoquer ces États généraux de l’Outre-mer, ce « Grenelle des Outre-mer », comme nous le qualifions, ici, dernièrement. Et ce n’est pas avec seulement le ministre de l’Outre-mer, mais avec d’autres acteurs essentiels : des Membres du Gouvernement, des élus locaux ,(et pas seulement de l’Outre-mer car il faut que l’ensemble des Français comprennent mieux la problématique des Outre-mer, afin de ne plus opposer les partisans de l’attachement de l’Outre-mer à la France et ceux qui pensent que le largage finira par s’imposer.. ), de hauts fonctionnaires compétents connaissant les Outre-mer, des syndicats représentatifs, ceux des travailleurs, ceux des patronats, des représentants de la Santé (où là aussi tant de retards se sont accumulés), de l’Agriculture, des associations représentatives (sportives et culturelles), des citoyens constructifs et même des partis politiques…

C’est cela l’urgence, et il ne faut pas attendre l’élection présidentielle et que cela devienne un simple argument de campagne. Encore que… il y aura ceux qui en parlent et ceux qui le négligent.

C’est aussi cette prise de conscience des pouvoirs publics qui montrera l’obligation de maintenir la liberté de chacun.
Comme l’expliquait dans un Communiqué — interview, M. Victorien Lurel, ex-ministre Outre-mer, et ex-Président de Région Guadeloupe : les élus locaux ou nationaux ont une légitimité, ce sont eux qui représentent le peuple, par la voix de leurs électeurs (même si, dit-il, il y a grande abstention depuis toujours en Outre-mer, mais un responsable syndical est élu au mieux par 300 personnes, Ary Chalus a été élu à la région Guadeloupe par près de 100.000 Guadeloupéens.).

Cette légitimité des élus est un gage de respect de la Démocratie, et même les extrémistes devraient le comprendre. Ceux qui par la faute des manifestants ont tout perdu (Entreprises brulées ou pillées, emplois perdus) sont donc atteints, par d’autres, dans leur liberté ! et cela est inacceptable. Ils croient défendre le peuple en le sacrifiant. Mais le peuple ce sont les autres aussi.
Cette malhonnêteté intellectuelle provoque ce « mélange » dans la tête des plus faibles, non ! ceux qui « croient parler au nom du peuple n’ont reçu aucun mandat pour le faire » comme le dit l’artiste Hippomène Léauva, un grand musicien guadeloupéen populaire.

Alors, une fois les violences maitrisées, une fois le calme revenu , donnons toutes priorités à la réflexion, au dialogue social, au dialogue économique pour obtenir, enfin, ces réajustements impératifs, et pour remettre les Antilles, ces départements , à leur juste place dans la République française, au même titre que les autres Départements Français. Faisons l’unité de la Nation, retrouvons cette unité avec nos Outre-mer, restons « ensemb’ ensemb »…

 

Alain Dupouy
Chroniqueur Outre-mer d’Opinion Internationale

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