Opinion Internationale : Madame Sonia Backès, vous présidez l’Assemblée de la Province Sud depuis le 17 mai 2019 et êtes la fondatrice du parti Les Républicains calédoniens. Pour Opinion Internationale, Sonia Backes revient notamment sur la stratégie des indépendantistes pour boycotter le référendum. Est-ce que le référendum mettra fin à un très long processus, commencé avec les Accords de Nouméa ?
Sonia Backles : Oui bien sûr, ce processus avait même été entamé dès les accords de Matignon en 1988. Après 33 ans, ce référendum met fin à une période « transitoire » exceptionnelle.
La non-participation des indépendantistes compromet-elle le résultat attendu ?
Du tout, c’est une consultation valable juridiquement quel que soit le taux de participation. D’un point de vue politique, les électeurs indépendantistes reçoivent de fortes pressions pour ne pas aller voter, mais le référendum aura tout de même lieu. Quel que soit le résultat et le taux de participation, il n’y aura pas de remise en question. Boycotter reste le choix d’un parti politique et il est basé sur des raisons fort contestables. Aller voter durant la crise sanitaire aurait été trop dangereux, mais notre taux d’incidence est inférieur à 50, on peut aller voter sans risque en Nouvelle-Calédonie.
La réalité politique est que les indépendantistes qui ont appelé au boycott de l’urne ont juste peur d’un résultat favorable à la République. Ils ont fait croire à leur base électorale que les accords de Matignon et Nouméa finiraient forcément par l’indépendance. Les deux premiers référendum ont prouvé le contraire.
Ensuite, l’Etat français a publié un document très complet expliquant les conséquences sociales et économiques catastrophiques d’une hypothétique indépendance. Cette réalité, on a voulu l’occulter. Nous avons aussi vu que les indépendantistes avaient menti à leurs électeurs : ils avaient par exemple promis que l’on garderait la nationalité française en cas d’indépendance, c’est faux.
J’ajoute qu’une grande violence verbale et politique règne depuis des mois. Je pense aux 34 000 Français exclus des scrutins électoraux et pourtant considérés comme des citoyens ici, mais qui ne retrouveront leur droit de vote qu’après le référendum. Les personnes arrivées sur le sol calédonien après 1994 n’ont pas le droit de vote, selon les accords de Nouméa. On leur a donc refusé les trois référendums sur l’indépendance. Ces Français Calédoniens qui ont la vingtaine et qui ont grandi ici représentent 20% du corps électoral. Heureusement la Cour Européenne des Droits de l’Homme a jugé que ce « corps électoral gelé » ne pouvait l’être que pendant la période transitoire des accords de Nouméa. Sitôt les référendums achevés, ils pourront voter à toutes les élections.
Aux Antilles, le gouvernement se dit ouvert à un débat sur l’autonomie. La Nouvelle-Calédonie ne montre-t-elle pas que le chemin de l’autonomie et de l’hyper-provincialisation poussée à son terme conduit nécessairement à des débats infinis sur l’indépendance ?
Je considère qu’on ne peut pas être aussi loin de la métropole et ne pas être autonome. Les décisions prises en Nouvelle-Calédonie ne peuvent être basées sur le quotidien de la métropole. Nous vivons tout de même à 22 000 kilomètres l’une de l’autre. L’autonomie est indispensable, et ce, globalement, dans tous les territoires d’Outre-mer. Par exemple, la distance nous a permis de prendre pendant 18 mois des décisions sanitaires en rapport avec notre situation insulaire, nous préservant de la Covid pendant un an et demi.
Le peuple Kanak s’est adressé au peuple français dans une Lettre ouverte. Et vous, quel est votre message au peuple français ?
Je tiens à remercier le peuple français d’être toujours présent à nos côtés, et d’être intéressé par notre archipel et notre situation. Nous sommes très attachés à la France, nous partageons profondément les valeurs de la République, qui sont avant tout des valeurs humaines. Nous avons une histoire commune que nous souhaitons continuer à partager.
Les Outre-mer façonnent aussi la grandeur de la France, il ne faut pas l’oublier.
Que ferez-vous lundi 13 décembre au matin, au lendemain du référendum ?
Nous allons d’abord analyser le résultat. Nous vivons comme en apnée depuis très longtemps avec les référendums successifs. Une fois la question de l’indépendance réglée, nous allons pouvoir ouvrir un nouveau chapitre politique, dans le cadre de la République française.
Propos recueillis par Michel Taube et Maud Baheng-Daizey