Tous les candidats à la présidence de la République, et avant eux les candidats à la primaire de leur mouvement, ont leur vision de l’Europe et leur idée pour la remodeler. Bien entendu, Emmanuel Macron, qui veut profiter des six mois de présidence française pour occuper le terrain médiatique sans que son temps de parole soit décompté de celui du candidat, n’est pas en reste.
Le voilà président de l’Europe ! Et la présidence française, c’est nécessairement autre chose que celle d’un « petit » pays. Il va donc insuffler à l’Europe un souffle nouveau, corriger ses errements multiples qui lui valent au mieux le scepticisme, au pire la défiance des citoyens du « vieux continent ». Fini les génuflexions devant Erdogan. Il faut dire qu’avec l’Algérie, il est déjà très occupé sur ce terrain. Fini les cafouillages dans la gestion de la crise du Covid. certes, c’eut été pire sans l’UE, surtout pour la sixième puissance économique du monde et membre du Conseil de sécurité de l’ONU incapable de concevoir un vaccin contre le Covid (aux dernières nouvelles, un vaccin Sanofi serait finalement en préparation).
Emmanuel Macron a raison sur un point, largement partagé par plusieurs ténors des Républicains, à commencer par Michel Barnier qui sait de quoi il parle : face aux Américains, aux Russes, aux Chinois, aux Indiens, face à Google, Amazon, Microsoft ou leurs équivalents chinois, il vaut mieux au moins donner l’illusion d’être une grande puissance unie qu’un pays surendetté représentant moins de 1 % de la population mondiale.
Mais n’en déplaise à Monsieur Macron et aux autres prétendants à l’Élysée qui veulent refaire l’Europe, la voix de la France ne pèse pas beaucoup plus, et pas plus du tout sur le plan juridique, que celle de Chypre ou de la Lettonie. Toutes les décisions politiques, qui ne sont pas laissées au simple exécutant qu’est en définitive la Commission de Bruxelles, sont prises à l’u-na-ni-mi-té. Même si le Parlement européen a conquis quelques bribes de pouvoirs au fil des réformes de la CEE devenue UE, il n’en donne pas le tempo. Les patrons, ce sont les 27 chefs d’État ou de gouvernement des pays membres et non un seul, fut-il Français.
Il fut un temps révolu, où une entente entre la France et l’Allemagne permettait de faire suivre les autres membres, sauf le Royaume-Uni qui a fini par en tirer les conséquences. Ce n’est plus le cas, comme l’ont notamment montré les pays d’Europe de l’Est, comme la Pologne ou la Hongrie, que ce soit à propos des vaccins ou des migrants. Mais même le « couple franco-allemand » n’est plus qu’une chimère, couple qui n’a d’ailleurs jamais existé dans l’esprit de nos amis d’outre-Rhin, même à la belle période des mamours entre Valérie Giscard d’Estaing et Helmut Schmitt, ou du flirt entre François Mitterrand et Helmut Kohl.
En 2017, lorsqu’Emmanuel Macron est entré à l’Élysée, il s’était déjà présenté comme le nouveau leader de l’Europe, le Kennedy français qui allait rallumer sa flamme déjà chancelante et remettre la construction européenne sur des rails d’un TGV – français évidemment -. Nous eûmes droit aux bus Macron, et s’agissant de l’Europe, au tracteur embourbé dans des crises à répétition. Certes, la crise Covid a laissé entrevoir un embryon d’Europe de la santé, mais il n’en est pas sorti un vaccin contre la Covid estampillé EU.
Oui, il faut donner un coup de pied au derrière de l’Europe, quitte à tout casser à condition de construire autre chose en même temps (ça, ça parle à notre président !). Faut-il privilégier la zone euro, l’espace économique européen au détriment de l’Union européenne ou une nouvelle Europe à plusieurs vitesses ? Faut-il – oui, il le faut – réformer l’espace Schengen pour créer une vraie police des frontières à l’américaine, là où les nationalistes, faussement naïfs, veulent rétablir les frontières internes ?
Ces réponses appartiennent aux 27, et non à Emmanuel Macron ou son successeur. C’est pourquoi le grand show que le presque candidat a commencé à animer avec sa conférence de presse jeudi dernier n’est finalement qu’un miroir aux alouettes, ou un paravent rutilant pour masquer un grand vide.
1/27 de l’UE, voilà ce qu’est la France dans ce système de gouvernance à l’unanimité. Il y aura bien un candidat à la présidence qui nous promettra qu’il imposera un système majoritaire pour faire avancer l’Europe, mais bien sûr avec un droit de véto pour la France !
Vive la France et vive l’Europe !
Michel Taube