À l’approche de Noël, Lancôme, Dior, Saint-Laurent et consorts envahissent les écrans de télévision et les pages des magazines. La France serait-elle devenue un pays si riche que le vulgum pecus peut faire ses emplettes festives dans les temples parisiens du luxe, rue Saint-Honoré ou avenue Montaigne, comme les princesses du Golfe persique et les stars du show biz ? Que nenni ! Il se contentera de la parfumerie du coin de la rue, ou du grand magasin du centre-ville, où il pourra, lui aussi offrir (ou s’offrir) une part de rêve odorant estampillée des plus prestigieuses marques de luxe. La valeur d’un sac Hermès « Birkin », du nom de la chanteuse et artiste, augmente d’environ 14 % par an, pour les modèles les plus anciens et prestigieux, jusqu’à atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros. Pour un sac d’occasions, c’est appréciable. Mais si vous voulez du Hermès à 70 balles, il vous reste à acheter un flacon d’eau de toilette chez Sephora ou Marionnaud. À ce prix, on en remplirait presque sa baignoire ! Kim Kardashian s’était mariée en Givenchy (la robe) à un demi-million de dollars. Et Jeannine Durand en Givenchy à 39 boules (le parfum), en promo chez Nocibé.
La magie du parfum et ses déclinaisons (eau de parfum, de Cologne, de toilette – que d’eau -), c’est une parcelle de luxe à la portée de (presque) tous. Un peu de rêve en flacon, suggéré par des mannequins à la plastique parfaite (parfois avec un petit coup de Photoshop) : femmes à la grâce extatique et hommes bodybuildés transpirant la testostérone se dévoilant (par trop tout de même) dans un cadre idyllique et fantasmagorique. De quoi provoquer une crise d’apoplexie aux pseudo féministes de type Sandrine Rousseau, qui s’est dite heureuse de son « homme déconstruit » (parfum sueur ?). Non ! Pour les fêtes, oublions ces déviants et laissons-nous emporter par le tourbillon des publicités luxuriantes pour le luxe accessible.
Le parfum, c’est du commerce, certes, comme le reste. Mais c’est aussi un savoir-faire et un art dans lequel la France excelle. Certaines maisons, comme Channel ou Guerlain, emploient encore un « nez », véritable maître créateur de l’envoutement olfactif. D’ailleurs, celles et ceux (dirait Emmanuel Macron) qui ont l’occasion de flâner sur les Champs-Élysées ne devraient pas passer à côté de l’extraordinaire boutique Guerlain, rien que pour les yeux (et pour les senteurs, tout de même). Bientôt deux siècles que les fragrances du parfumeur titillent nos sens. Quant à Channel, on rappellera que Marylin Monroe disait ne porter la nuit que quelques gouttes de n°5, parfum centenaire, puisque créé en 1921. La rencontre de deux mythes…
Le luxe, c’est en général ce que l’on ne peut s’offrir, où alors qu’exceptionnellement. Le parfum ne démystifie pas le luxe. Il donne à chacun le loisir de s’en approprier un fragment. Rien que cela mérite notre considération.
Joyeuses fêtes dans une farandoles de fragrances !
Raymond Taube