Que penser de cette émission diffusée hier soir en prime time par TF1 avec Emmanuel Macron en guest star ? Un gigantesque faire-valoir, une caricature de l’hyper-personnalisation du pouvoir propre à la Vème République, une pâle comédie politique, amorce d’un virage socialisant du déjà candidat Macron sur fond d’abondance de candidats de droite à la présidentielle. Ce n’était pas « où va la France ? » mais « où je veux vous emmener… » jusqu’en 2030…
Il y eut tout de même une pépite dans ces deux heures : tout à la fin, summum du suspense, alors que l’on n’attendait plus rien d’une conversation languissante et d’une émission sans fard, Emmanuel Macron confessa avoir appris à aimer les Français pendant ces cinq années au pouvoir. On crut un instant qu’il tentait de séduire une femme (ou un homme) refroidi par une première déception.
Monsieur le président, les Français n’ont pas besoin d’être aimés ! Ils ont besoin de solutions aux carcans qui empoisonnent leur vie quotidienne.
Que penser des deux journalistes dont les questions convenues se gardèrent bien d’appuyer là où cela fait mal : pourquoi n’a-t-on pas de vaccin français ? Pourquoi abandonner le fond de la réforme des retraites alors que seul le timing était jusque là incriminé ?
Pourquoi une émission enregistrée ? Emmanuel Macron a peur du direct ? On aurait bien voulu savoir, en prime de ses impressions sur le grand remplacement zemmourien, ce que le chef de l’Etat a pensé de la scandaleuse comparaison commise par Anne Hidalgo dimanche dernier entre le sort des musulmans en France en 2021 et celui des juifs dans les années 30. Mais c’eut été impossible puisque l’enregistrement s’est fait dimanche.
Un montage imparfait d’une émission enregistrée il y a quatre jours acheva de compromettre le naturel que le direct donne généralement à une interview politique. Rien qu’un exemple : le très international Darius Rochebin qui doit parfois regretter ses années helvètes sur la TSR annonça une longue séquence sur l’international et nous n’eûmes droit qu’à une minute pour permettre au chef de l’Etat de glisser que la vente historique (le contrat du siècle) des Rafale aux Emirats Arabes Unis permettait d’oublier l’humiliation de l’affaire des sous-marins australiens.
La France ne peut être réformée car les Français n’aiment pas les réformes, nous confiait Emmanuel Macron dès la fin 2017 ? Disons plutôt qu’Emmanuel Macron rejoint à son tour la cohorte des immobilistes !
Emmanuel Macron ne doit pas oublier que Nicolas Sarkozy en 2012, lequel avait utilisé les mêmes largesses offertes par la fonction de président sortant pour s’inviter au coin du feu dans les ménages français en décembre 2011, avait perdu l’élection présidentielle quelques mois plus tard. Les Français sont de moins en moins dupes ! Et ils n’attendent pas un grand séducteur mais un commandant de bord qui avance dans la tempête !
Michel Taube