Le jeu de mots est facile, mais il correspond à une réalité politique qui pourrait être décisive en avril prochain. Emmanuel Macron n’y est évidemment pour rien. Pas davantage que les laboratoires et leurs actionnaires qui se sont enrichis avec cette pandémie de Covid-19.
Mais à quatre mois d’une échéance électorale majeure, le coronavirus qui pourrit la vie de près de 8 milliards de terriens depuis deux ans pourrait être le meilleur allié de fait d’un sortant remettant en jeu son mandat. La gestion de la crise sanitaire avait d’abord été chaotique, voire catastrophique, avec comme circonstance atténuante que le monde entier avait été pris par surprise, et que la France, avec sa bureaucratie éléphantesque, son corporatisme entretenu par des syndicats archaïques et nuisibles à l’intérêt général, et le manque de courage politique de ses gouvernements successifs, n’était pas dans les meilleures conditions pour affronter cette soudaine et brutale offensive virale.
Deux ans plus tard, les Français sont parmi les peuples les plus vaccinés au monde, grâce à l’instauration d’un pass sanitaire qui deviendra vaccinal en février prochain (trop tard pour endiguer la présente vague épidémique), et qui a fait école sur toute la planète.
Aujourd’hui, on s’interroge sur la pertinence de la stratégie. N’aurait-il pas été plus efficace de ne vacciner que les plus vulnérables et de laisser le virus circuler dans la population, jusqu’à atteindre une immunité collective ? Aucun pays n’a pris ce risque, ou alors que le temps de voir ses hôpitaux saturés, comme la Suède. Ou l’Inde qui est certes la plus grande démocratie du monde mais qui a un rapport à la vie humaine différent de nous. En outre, rien ne permet de garantir que l’immunité naturelle ne résiste mieux aux différents variants que celle acquise par le vaccin. À ce jour, il est en revanche acquis que les malades du Covid en soins critiques sont majoritairement non vaccinés (neuf fois plus, selon les pouvoirs publics, au 31 octobre), et que cette proportion est même écrasante au regard de la proportion de vaccinés dans la population (76,2 % au 17 décembre).
Emmanuel Macron a compris que sa stratégie vaccinale serait peut-être son meilleur argument de campagne. Même si on craint que le variant Omicron montre une certaine résistance au vaccin, il a également pour effet de remettre le Covid au premier plan de l’actualité pour plusieurs mois, le temps peut-être pour Emmanuel Macron de se faire réélire à la présidence de la République.
A quelques jours de Noël, la France est encore aux prises avec une flambée épidémique due au précédent variant, le delta. L’omicron, ce sera pour le réveillon du Nouvel An, et pour les semaines ou mois suivants. Avec lui, le « quoi qu’il en coûte » est de retour, sans considérations pour l’état de nos finances publiques, alors qu’un retour de l’inflation pourrait mettre le feu aux taux d’intérêt. De toute manière, les comptes se feront plus tard, après les élections.
Mais surtout, tous les autres sujets de la campagne électorale s’en trouvent éclipsés, en particulier ceux qui sont chers à la droite nationaliste. Les questions de l’islam radical, de l’identité et même de l’insécurité sont déjà reléguées au second plan. Celle du pouvoir d’achat reste présente, mais atténuée par le « quoi qu’il en coûte ». Elle est de toute manière liée à notre avenir sanitaire, principalement déterminé par le virus et non par le président de la République. Et le reste n’est en définitive que le reste. Les retraites, l’écologie, l’école… On verra plus tard.
On verra plus tard notamment le bilan d’Emmanuel Macron ! Ses fausses grandes réformes comme celle des retraites dont il a même abandonné les propositions de fond qu’il avait défendues mordicus. Quant au Ségur de la Santé qui était censé sauver l’hôpital, la poursuite de la fermeture de lits, le manque d’anticipation sur le désengagement des professionnels soignants, le découragement et l’extrême-fatigue de ceux qui restent sur le navire hôpital et achèvent de dresser un bilan fort mitigé des années Macron.
Mais l’urgence est de sauver d’abord notre peau face aux offensives successives du coronavirus SARS-CoV-2 et ses variants, et de nous mettre entre les mains de notre sauveur saint Macron, prophète et général dans cette guerre, comme il le disait lui-même au début du… conflit. Parions que le chef de l’Etat reprendra dès les vœux du 31 décembre sa rengaine sur la guerre contre la Covid.
Oui, (o)micron-Macron, le sort de la présidentielle est loin d’être joué ! Les complotistes, les anti-vax et autres sceptiques nourriront certainement le flot innombrable des abstentionnistes en avril. Rassurons-les : même si le Covid pourrait être tenté de voter Macron, ce n’est pas dans les cuisines de l’Élysée que la nouvelle potion microbienne a été confectionnée.
Michel Taube