Le 15 décembre sortait Tilo Koto, un film documentaire produit par Sophie Bachelier et Valérie Malek dont le synopsis s’inspire du parcours de Yancouba Badji. Aujourd’hui peintre, les tableaux de l’ex-voyageur racontent l’enfer de l’immigration clandestine.
Projeter la souffrance des toiles de Yancouba Badji sur le grand écran. Des traversées ratées, en passant par l’emprisonnement subi jusqu’aux violences qui l’accompagnent.
Les cinéastes Sophie Bachelier et Valérie Malek ont choisi de relever ce défi après leur passage au centre pour migrants de Médenine, en Tunisie. La mission assignée à la visite consiste à préparer un documentaire sur l’ineffable sort des migrants bloqués sur le rivage africain. Parmi les rencontres réalisées par les deux femmes, une se distingue. Celle de Yancouba Badji.
Au lieu de vouloir à tout prix rejoindre l’Europe, le Sénégalais tente d’en dissuader ses camarades. Il rapportera plus tard à l’Observatoire lors d’une interview qu’il refuse de les nommer « migrants », leur préférant l’adjectif « voyageurs ou camarades », les mettant davantage en lumière. L’originaire de la région sénégalaise de Casamance crée pour cela des tableaux dépeignant l’horreur traversé par ses compagnons de fortune. C’est ce que le film documentaire de Sophie Bachelier et Valérie Malek mettra en évidence sous le prisme de Yancouba Badji, personnage central de l’intrigue.
Aucun eldorado mais de l’aide au radeau
« Si j’avais su ce qui m’attendait, je ne serai pas parti », confesse l’acteur face à la caméra. Pourtant plus jeune, Yancouba Badji ne rêvait que d’un aller-simple loin de l’Afrique et la Gambie. Il y a ouvert un atelier d’installations frigorifiques dès ses dix-sept ans après avoir fui la guerre en Casamance. Mais l’exilé fait rapidement marche arrière lorsque le régime local du dictateur Yahya Jammeh menace les voyageurs de mort. Le retour au Sénégal se fera toutefois bref, le Casamançais préférant la tortueuse route de la clandestinité que la pauvreté lancinante de son pays natal.
Il traversera tour à tour le Burkina Faso, le Mali et le Niger, jusqu’au niveau de la ville d’Agadez. L’espoir d’un eldorado promis en Europe le conduira à affronter le désert nigérien jusqu’en Libye. Sur place, il connaîtra l’emprisonnement durant neuf mois, les rackets, les travaux forcés, et même la torture. Par quatre fois, Yancouba Badji tentera en vain d’atteindre l’Italie au bord d’un « bateau du diable ». La dernière manquera heureusement d’être l’ultime. L’embarcation de fortune sur laquelle il avait pris place avec 125 autres camarades, en passe de couler, a été récupérée de justesse par la marine tunisienne. Le film explique que le réfugié en Tunisie songe désormais à entrer au Maroc, mais surtout plus de l’autre côté de la tumultueuse Méditerranée.
La peinture pour exorciser les maux
Quand Yancouba Badji accepte le projet documentaire, il demande à Sophie Bachelier et Valérie Malek le matériel nécessaire pour peindre. Une façon pour lui « de faire comprendre » ce qu’il « n’avait plus la force de dire avec des mots ». Ses peintures délivrent une interprétation personnelle de son parcours que la caméra des cinéastes ne manque pas d’immortaliser.
L’attrait pour le pinceau lui permet d’ôter sa pudicité à mesure que le tournage avance. En parallèle du documentaire, il choisit même de sensibiliser la jeunesse africaine à travers ses peintures en prêchant la bonne parole de village en village.
A l’occasion de la sortie nationale du film Tilo Koto, les œuvres peintes de Yancouba Badji habillent temporairement les couloirs de la galerie Talmart à Paris. L’exposition est ouverte au public du 23 décembre 2021 au 15 janvier 2022.
Informations pratiques :
Galerie Talmart
22 rue du Cloître Saint-Merri, 75004 Paris
(Métro Châtelet ou Hôtel de Ville)
Du 23 décembre 2021 au 15 janvier 2022.
Noé Kolanek