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15H36 - jeudi 30 décembre 2021

Enrique Casalino : quelques réflexions suite aux dernières annonces du premier ministre

 

La présentation faite par Jean Castex le 27 décembre m’a semblée fade, car incomplète, insuffisante, inadaptée aux enjeux, et surtout, peu courageuse.

D’abord, sur les valeurs.

Pas un mot pour donner du sens au travail des soignants, pour leur donner un horizon. Les soignants nous réclamons une vision nouvelle et partagée du système de soins, de sa gouvernance, de son organisation, une redéfinition des missions, du rôle et des objectifs de chacun de ses acteurs. Nous sommes en quête de sens et pas uniquement de moyens.

L’opposition entre les vaccinés et les non-vaccinés ne permet pas d’avancer. Cette phrase a été prononcée à plusieurs reprises : « la contrainte doit peser sur les non vaccinés ». Ceci n’a pas de sens. L’objectif est de contrôler la circulation virale, pas pour punir les non-vaccinés. Pour cela, il faut vacciner les non-vaccinés et faire les rappels nécessaires aux vaccinés.

La sanitaire et l’économique s’opposent-ils ? Il est apparu clairement hier qu’il n’y a plus d’opposition entre le sanitaire (réduction de la circulation virale et du nombre de cas) et l’économique (préserver l’activité économique). En réalité, il n’y en a jamais eu ! La diminution de l’activité économique constatée n’est pas liée aux mesures barrières, ni aux règles de distanciation sociale, ni même aux mesures de réduction du nombre de contacts entre les citoyens. Elle est la conséquence de l’impact de la pandémie sur la santé physique et psychique de la population générale, sur la réduction des activités économiques par la peur que l’épidémie inspire chez chacun de nous et qui nous fait limiter nos déplacements et réduire notre activité économique, et par les arrêts de travail et les arrêts chez les contacts, qui sont particulièrement importants lors de cette dernière vague.

 

Ensuite, sur les missions et les objectifs

La mission des soignants est de garantir l’accès aux soins de la population, qu’il s’agisse de la covid ou de toute autre situation aiguë ou maladie chronique. Cette mission est aussi celle de l’Etat. La lutte contre la pandémie est l’affaire de tous les Français, la réussite dépend de chacun de nous. La présentation d’hier respirait la crainte de la non-acceptation de l’effort ou d’un éventuel sacrifice demandé aux français… Nous sommes un grand peuple, qui a fait preuve dans son histoire de sa force et de son engagement. Et ceci a été confirmé à chaque fois que des mesures contraignantes ont été décidées lors de cette pandémie. Faites confiance aux français !!

L’objectif doit être clairement exprimé. Il est d’abord de protéger les Français, de garantir leur accès à la santé et leur bien-être économique et social. Ce n’est pas de garantir des intérêts corporatistes et encore moins de défendre un supposé droit à la fête. Mais de garantir la possibilité de nous réunir dans des conditions de sécurité pour chacun de nous et pour tous collectivement.

 

Et sur la stratégie

Tant qu’à demander des efforts et dicter des règles, il faut que ces règles aient montré leur efficacité. Elles doivent être claires, partagées, comprises, et contrôlées. Ce sont les conditions de l’adhésion des Français à toute mesure. C’est aussi la clé de leur efficacité.

Les quelques mesures annoncées hier sont floues, difficiles à comprendre, et surtout, pratiquement aucune n’a été validée. Et celles qui auraient pu l’être, par exemple le télétravail, les jauges pour les rassemblements, ont été mal expliquées, conditionnées à des discussions à venir et différées dans leur application. Concernant la vaccination, qui est certainement un élément central dans la stratégie, son importance se dilue dans le débat autour du passe vaccinale et se politise inutilement.

Aucune mesure courageuse de limitation du nombre de contacts entre les personnes n’a été prise… Sont-elles indispensables ? Oui, si l’objectif est de réduire la circulation virale, d’éviter la saturation du système de santé et la perte de chance pour des patients atteints du covid mais aussi de situations cliniques non-covid, et de garantir dans quelques semaines une reprise des activités économiques et sociales. Mais tout semble orienté vers un objectif creux : garantir à tout prix aux français qui peuvent se payer un restaurant pour le réveillon du jour de l’An de jouir d’une sensation de liberté.

 

Enfin, dans la forme…

Presque une heure de présentation, pour ne rien pouvoir retenir de concret, de cohérent. Notre Premier Ministre aurait pu faire sa présentation en 10 minutes, en insistant sur quelques mesures, bien détaillées et expliquées.

Enfin, je n’ai pas vu le leader qui mène un projet complexe dans un objectif ambitieux, et que souhaite le partager avec les Français, ni la conviction profonde qui donne envie de nous engager.

Donc

Vu que le nombre de cas de Covid delta et omicron augmente, que le système de soins est sous très forte tension et que l’accès aux soins n’est pas garanti dans les semaines à venir, et que notre société traverse une crise sociale et économique exceptionnelle qui met en danger la continuité de ses activités productives essentielles, le diagnostic est celui d’une situation critique qui requiert des mesures d’urgence. Une telle situation nécessite la redéfinition des valeurs, de préciser les objectifs, et de fixer une stratégie globale déclinée à court, moyen et long terme. Des mesures sanitaires, économiques et sociales doivent être proposées et mises en place. Ce n’est pas ce que nous avons entendu hier. Le pari de serrer les dents et de tenir sans décider dans l’espoir de ne pas prendre de risque (politique), ne me semble pas à la hauteur des enjeux ni des attentes légitimes des Français. C’est un pari politique risqué. Et il est risqué surtout pour les Français !

 

Enrique Casalino

Professeur des Universités et Praticien Hospitalier.

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