Edito
15H11 - mercredi 5 janvier 2022

Emmanuel Macron : « Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder… » Propos scandaleux ou vérité qui dérange (ou pas) ? L’édito de Michel Taube

 

« Je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc, on va continuer de le faire, jusqu’au bout. »

Sur le fond, il ne fait mystère pour personne qu’une grande majorité des Français partage le sentiment du chef de l’État. Il en va de même dans tous les pays développés : partout, les gens en ont assez de cet obscurantisme trop bête et méchant des antivax, qui sont souvent aussi anti pass, anti masque, anti tout, et qui convoquent abusivement la liberté, là où il n’y a qu’inconscience (pour être indulgent), mais surtout égoïsme, et posture effectivement pas très sociale ni citoyenne (« et ma liberté d’rouler bourré, c’est quand qu’on m’la rend ? ! »).

Certes, il est plus que fâcheux qu’il faille se revacciner à chaque mutation du virus, et que le vaccin n’en soit pas tout à fait un, puisqu’il n’empêche pas la transmission du virus (mais il l’atténue). Mais on sait, cela avec certitude, que si on est vacciné, on n’a que très peu de risque de faire une forme grave du Covid et de se retrouver à l’hôpital, et moins encore en réanimation. C’est donc pour une (grosse) poignée de bornés manipulés par les extrémistes de tous bords que des malades du cancer ne peuvent être opérés, que les cinémas, les théâtres, les stades sont vides, que la dette publique augmente au point de mettre en péril toute l’économie. Toutefois, ces considérations ne sauraient occulter la responsabilité des pouvoirs publics quant à l’état déplorable de l’hôpital.

Mais Emmanuel Macron est aussi en campagne, tout comme l’opposition qui, plus que jamais, s’oppose pour s’opposer. Or pour gagner, il faut occuper le terrain, parfois faire de la provocation, du clash, d’aucuns diraient du Zemmour. Pour ne pas être sorti en avril prochain, le sortant doit reprendre la main, être offensif, surfer sur l’air du temps et les circonstances, qui sont celles du Covid et d’une majorité de Français qui partage son point de vue sur les réfractaires au vaccin.

On aurait préféré qu’Emmanuel Macron le dise autrement, qu’il fasse du de Gaulle plutôt que du Zemmour. Mais nous sommes en 2022 et Macron n’est pas de Gaulle. Nicolas Sarkozy avait inauguré une certaine vulgarité du propos présidentiel. Ailleurs, d’autres ont fait bien plus fort, notamment Donald Trump aux États-Unis. C’est vrai, un président ne devrait pas s’exprimer ainsi, et il est regrettable qu’il le fasse, sans doute à dessein, dans un but électoral. Les Français lui en tiendront-ils rigueur ? On aura un commencement de réponse dans les prochains sondages, mais d’ici quelques semaines, on sera passé à autre chose, en conservant néanmoins le Covid comme thème majeur de la campagne.

Concrètement, que veut faire Emmanuel Macron aux antivax ? Il ne serait pas moralement ou philosophiquement scandaleux qu’ils ne soient pas prioritaires en cas de concurrence avec d’autres patients ayant besoin d’un lit de réanimation. Certains ont même évoqué qu’ils pourraient ne pas être entièrement pris en charge par la Sécurité sociale. Le corollaire de la liberté (si celle de ne pas se vacciner en est vraiment une) n’est-il pas la responsabilité ? Mais juridiquement, politiquement et éthiquement s’agissant des médecins, ces mesures sont inenvisageables. En revanche, instaurer une obligation vaccinale (sauf pour motif médical) ne ferait que mettre le Covid sur la liste des maladies contre lesquels nos enfants sont protégés à la naissance. À cet égard, le pass vaccinal est un moyen parmi d’autres de contrôler la réalité de la vaccination, et d’accroitre la pression sur les antivax.

En tout cas, Emmanuel Macron a réussi un coup politique basé sur une vérité bonne à entendre par la plupart des Français. Reste à savoir qui du fond (légitime) ou de la forme (provocante et pas très digne de la fonction) l’emportera. S’y ajoutent les craintes de fuite en avant dans la violence que les propos présidentiels pourraient susciter chez les antivax, déjà en ébullition sur les réseaux sociaux.

Enfin, on relèvera que dans son entretien au Parisien, Emmanuel Macron adresse une pique à l’administration, coupable de blocages. Franchement, le citoyen Macron devrait s’en prendre au président de la République, qui en cinq ans de mandat, n’a pas été capable de débureaucratiser significativement le pays et de mettre en œuvre une vraie réforme de l’État.

 

Michel Taube

Directeur de la publication