Véritable sacerdoce pour certain, réservé aux enfants en bas âge pour d’autres, la sieste représente un petit moment à part dans la journée. Permettant de recharger ses batteries au milieu de l’après-midi, elle augmenterait la productivité. « Les hommes, dans leur sommeil, travaillent fraternellement au devenir du monde », disait le philosophe grec Héraclite.
Pourtant, elle continue à avoir mauvaise réputation. En tout cas, en France mais le reste de la planète, surtout les pays du sud, le voit autrement. Même au Japon, dormir en public passe très bien. En Espagne, la siesta est une véritable institution et les horaires de travail et les ouvertures de boutiques sont organisées en conséquence. Dans notre pays, on estime qu’elle est synonyme de fainéantise. La journée est considérée comme un temps actif tandis que la nuit, passif. En réalité, notre corps subit d’importantes variations quand le soleil est encore haut dans le ciel. Aprsès le déjeuner, nous accusons ainsi une baisse de régime, augmentée par la digestion et le fait qu’il fasse généralement plus chaud. C’est pourquoi petits et grands ont naturellement envie de piquer du nez vers 14h, la sixième heure du jour, « sexta hora » en latin qui a donné le mot… sieste.
Néanmoins, jusqu’au XVIIIème siècle, la sieste régnait en maître, jusqu’à ce que les médecins, si décriés par Molière, considèrent qu’elle nuit au sommeil nocturne et la réserve donc aux vieillards et aux nourrissons. Sans parler du fait que l’Église catholique s’évertue à ramener les brebis dans le droit chemin du dodo : la nuit est faite pour dormir, non pour batifoler ! Un coup de mou dans la journée ? Vous avez sûrement péché la veille…
Mais surtout, le XXème siècle a achevé d’enterrer celle que Baudelaire qualifiait d’une « espèce de mort savoureuse où le dormeur, à demi éveillé, goûte les voluptés de son anéantissement » : il faut travailler à l’ère industrielle.
C’est pourquoi, aujourd’hui, fermer les yeux ne serait-ce qu’un instant reste encore l’apanage des fainéants. Pourtant, nous sommes nombreux à avoir déjà lutté vainement contre le sommeil, ne parvenant pas à nous concentrer, alors qu’il suffirait d’à peine quelques minutes pour se remettre d’aplomb : viva la siesta !
Deborah Rudetzki