Dans un récent article, nous regrettions que la présidentielle de 2022 soit confisquée par un thème unique et, espérons-le, passager, tout comme le fut celle de 2017, pour une raison tout aussi passagère. L’affaire Fillon captiva toutes les attentions en 2017, puis disparut dans l’indifférence dès la fin du 1er tour. Le Covid joue aujourd’hui ce rôle, et même en cas de poursuite de la pandémie, il est évident que, sauf développement extrême en termes d’engorgement des hôpitaux et de mortalité, même le quasi-non-événement que serait la réélection d’Emmanuel Macron chasserait vite le coronavirus de la une de l’actualité.
Tel est déjà l’enseignement de cette campagne : le Covid, habilement exploité par Emmanuel Macron, éclipse tout. Sa petite phrase sur les antivax qu’il veut emmerder les a surtout réveillés, excités, remobilisés. Ceux qui ont manifesté samedi dernier, parfois dans la violence, sont surtout des antisystèmes, manipulés par des ultras extrémistes comme Florian Philippot, patron des Patriotes qui n’ont de patriotes que le nom, un Philippot perdu dans la radicalité alors qu’il fut bras droit de Marine Le Pen.
Les médias sont obligés de suivre : ceux qui ne focaliserait pas sur le Covid, les petites phrases de Macron et les réactions des antivax seraient à côté de l’actualité. Donc, oublions que dans trois mois, les Français devront décider de qui pilotera la (fin de la ?) crise sanitaire, mais aussi l’hôpital, l’école, l’environnement, la sécurité, la justice, l’économie, le chômage, l’immigration, l’industrie, les relations internationales et européennes, la culture…
Est-il devenu superfétatoire de dresser le bilan de cinq années de macronie ? Doit-on prendre acte de ce que le président flamboyant de mai 2017 a été empêché par le Covid, et donc, qu’il est légitime de lui donner une nouvelle chance, sans se préoccuper de son bilan ni de son programme ? Pire : les autres candidats à l’Élysée sont pris au piège. Éric Zemmour veut encore parler d’identité. Résultat : il décroche dans les sondages. Seul importe le Covid aux épices marconiennes.
Pour de nombreux Français et tout particulièrement les soignants (la situation est analogue à l’étranger), Emmanuel Macron est coupable d’avoir (mal) dit la vérité sur les antivax. Mais en le faisant ainsi, en choisissant ses/ces mots, il savait qu’il enfonçait le clou, les clous du cercueil de cette campagne des présidentielles.
Certes, depuis ce week-end, les petites salades politiciennes reviennent dans le champ médiatique : quel sera l’effet du ralliement de Guillaume Pelletier à Éric Zemmour ? Valérie Pécresse est-elle plus proche d’Emmanuel Macron ou de Marine Le Pen ? Combien de suffrages couteraient à Anne Hidalgo une candidature de Christine Taubira ? Le fond a presque disparu des radars. Est-ce irrémédiable ?
Si Emmanuel Macron réussit à empêcher la réouverture du cercueil, celui du corps électoral, en excitant les extrémistes de type antivax pour que le Covid écrase tous les autres thèmes, il ne restera peut-être que quelques débats télévisés pour que d’autres sujets soient évoqués.
Néanmoins, cette tactique pourrait aussi lui être reprochée, précisément parce que les Français sont très majoritairement vaccinés et ont compris à quoi servait ce fichu vaccin : ne pas se retrouver en réanimation, et non éviter de contracter la maladie. Donc, vaccinons-nous et parlons du reste, du bilan du sortant, des propositions des candidats, de leur faisabilité et de leurs possibles conséquences. Sinon, autant rester chez soi les 10 et 24 avril prochain, et attendre 2027 !
Michel Taube