Un Président ne devrait pas dire cela… Depuis une vingtaine d’années, nos présidents successifs réussissent brillamment à sortir une petite phrase pour égailler nos longues soirées d’hiver. Sarkozy avait lancé le désormais fameux « casse-toi pauvre con », Hollande avait enchainé avec les « sans-dents ». Cette semaine, Macron déclare tout de go qu’il aimerait emmerder les non-vaccinés ! Il ajoute même qu’ils sont irresponsables et que les irresponsables ne sont plus citoyens.
On peut bien sûr, en premier lieu, être choqué par ce langage qui rappelle le doigt d’honneur de Zemmour. Après tout, les deux sont dans la même cour d’école. Puis, on peut se dire que le Président a raison. Après tout, les anti-vax, même si tous les non-vaccinés ne sont pas tous anti-vaccins, nous embêtent depuis trop longtemps. Ils nous font penser à cet excellent film avec Leonardo di Caprio, Déni Cosmique, don’t look up. Comme ces gens qui refusent de croire en la science et de regarder le ciel, les anti-vax sont dans un déni de réalité inquiétant, moyenâgeux.
Mais réfléchissons un peu plus. Macron peut-il pour autant les considérer comme non-citoyens ? Comme des sous-citoyens ?
Si la vaccination n’est pas obligatoire, ne pas se faire vacciner demeure sous l’empire du libre-arbitre et de la Loi. Chaque citoyen est encore libre de se tromper, tant qu’il respecte les lois. C’est son droit de faire ce choix, et notre devoir de le respecter, ou alors il faut changer la loi et rendre la vaccination obligatoire.
Considérer une partie du peuple comme des non-citoyens, alors qu’ils respectent la loi, renvoient à d’autres types de régimes, et à d’autres temps, où l’on considérait certains comme des sous-hommes ! Sommes-nous tombés en dictature à cause d’un petit virus transmis par un pangolin sur un marché chinois ? Que fera le gouvernement si la menace est plus forte ? mettra-t-il les gens qui refusent le vaccin en camps de rééducation ? Retrouvons la raison ! doit-on tenir jusqu’en avril, où tous les citoyens, seuls propriétaires de la République, pourront mettre fin au bail précaire du locataire de l’Élysée et le remplacer par Valérie Pécresse, par exemple, bien plus respectueuse des libertés et moins autocrate ?
Où s’arrête-t-on ? Si certains s’interrogent sur le fait d’accepter ou non les non-vaccinés dans les services de réanimation, où s’arrête cette logique ? Un citoyen qui fume et qui trente ans plus tard développe un cancer du poumon a-t-il droit aux soins et à la réanimation alors qu’il savait que le tabac tue ? Un automobiliste qui commet un excès de vitesse et qui percute un autre véhicule a-t-il droit aux soins ? Un piéton qui traverse en dehors des passages cloutés et qui est renversé a-t-il accès aux urgences ? Un prisonnier qui tombe malade a-t-il droit à l’hôpital ?
Doit-on réécrire le serment d’Hypocrate qui stipule clairement : « Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions » ?
Macron est, une nouvelle fois, pris dans son « en même temps ». Il veut que tous les Français soient vaccinés et en même temps ne pas rendre obligatoire la vaccination. Là encore, l’équilibre n’est pas tenable, il faut choisir, et il serait logique à présent que 90 % des Français ont accepté le principe du vaccin, d’opter pour l’obligation vaccinale, sauf pour les cas d’intolérance médicale bien sûr. Mais tant que le vaccin n’est pas obligatoire, et même ensuite, il n’y a pas de sous-citoyen !
Un Président ne devrait pas dire cela ! Vivement avril !
Patrick Pilcer
Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers