Lorsque trois amis d’enfance décident en 2015 de leur avenir professionnel, une chose est sûre : ils veulent inclure des valeurs humanitaires dans leur parcours. Ainsi est née l’association l’Or Bleu, sous l’impulsion de Yassine Benserida. L’idée des puits et des forages dans les régions arides d’Afrique lui est venue en admirant le travail accompli par ses prédécesseurs en la matière. En 2016, un puits au Mali est construit et financé grâce à des dons, que les trois ingénieurs ont collectés en s’appuyant sur la générosité d’anonymes. Sur place, le trio s’est rendu compte de l’impact de leur « petite » action et a décidé de se consacrer pleinement à leur association. Commence alors le grand voyage d’Or bleu, qui permet aux populations du Togo, du Mali et du Niger d’accéder à l’eau potable. Composée uniquement de bénévoles et inscrite au journal officiel depuis février 2016, Or Bleu a déjà construit 101 puits et point de forage d’eau potable.
Entretien avec Yassine Benserida, le fondateur.
Opinion Internationale : Vous parlez d’un « groupe de jeunes » pour désigner les bénévoles à vos côtés. Quelle est la moyenne d’âge et d’où viennent les bénévoles ?
Yassine Benserida : Dans notre association, les bénévoles ont entre 20 et 35 ans. Certains sont plus âgés, mais ils sont très minoritaires puisque nos rangs sont majoritairement composés d’étudiants et de jeunes travailleurs, tels des chauffeurs de bus, des avocats, des médecins, des ingénieurs et des personnes issues des ressources humaines.
Déjà 101 puits et forages ont été financés depuis le début de vos opérations. Quel est le prochain objectif ?
Nous souhaitons avant tout pérenniser le fonctionnement de notre association. Nous réfléchissons à un projet que nous cadrons et structurons, puis nous lançons l’étape de financement, et enfin la construction. Notre but est de cibler des projets de développement en fonction des régions et de les équiper intégralement en eau potable pour permettre leur développement économique. Notre équipe a remarqué, notamment grâce au travail d’autres associations, que l’accès à l’eau potable améliore drastiquement les conditions de vie des habitants en plus de baisser le taux de mortalité infantile et de désengorger les hôpitaux et dispensaires. Les enfants sont à nouveau scolarisés, l’agriculture connaît un fort développement et bénéficie à tout le village, bouleversant ainsi positivement l’ensemble des secteurs.
Notre nouveau projet s’intitule « One million », et consiste à construire 180 points d’eau potable au Niger et au Togo. Son financement d’environ un million d’euros a été entamé en février 2021 et devrait être achevé d’ici février prochain. La construction des points d’eau sera fastidieuse et s’étalera jusqu’en 2023, car il s’agit de 128 structures manuelles et électriques à construire. Nous sommes également dépendants des conditions climatiques : les puits doivent être montés pendant la saison sèche, qui ne correspond qu’à la moitié de l’année, afin que nous puissions creuser plus en profondeur et atteindre d’autres sources. À l’heure actuelle, nous planchons encore sur notre planning de construction, sans pour autant être en retard sur les objectifs du projet.
Pourquoi avoir choisi les deux régions du Zinder (Niger) et de Soutouboua (Togo) en particulier ?
Nous travaillons au Togo depuis 2017, nous avions déjà le plan Tchamba il y a trois ans. Les deux régions souffrent de grosses difficultés d’accès à l’eau potable. À l’époque, notre objectif était d’équiper intégralement la région en eau. Les résultats ont été très satisfaisants, et aujourd’hui nous effectuons un retour d’expérience sur l’impact que les puits ont eu (rescolarisation, baisse de la mortalité infantile et des admissions dans les dispensaires…). Le retour dans la région nous permettra d’améliorer et d’anticiper les obstacles du projet « One Million », un gain de temps non négligeable pour l’association.
Comment les collectivités françaises et étrangères, ainsi que les citoyens, peuvent-ils vous aider ?
Nous travaillons avec des ONG locales qui ont des compétences déjà sur place, notamment la connaissance du terrain et des populations. En France, les collectivités comme les citoyens peuvent nous aider à obtenir le financement de « One Million ». Nous faisons des campagnes des collectes, et la grosse majorité des dons provient des particuliers. Nous sommes très présents sur les réseaux sociaux, mais nous ne recevons pas d’aide de l’État ou des collectivités locales. Un pôle de subvention chez Or Bleu contacte bel et bien les collectivités, mais de nombreux critères font barrage à une quelconque aide financière étatique, notamment la taille de notre association.
Mais les populations locales sont très impliquées dans nos projets, elles constituent des acteurs à part entière, car il leur faudra s’approprier le puits à notre départ. Sur le terrain, elles mettent en place des groupes de gestion pour l’eau, généralement composés de 4 à 5 personnes. Puis les populations créent des caisses de collecte auprès des villageois, modestes, mais capitales, afin de pallier aux éventuelles réparations futures. Lorsque la construction est achevée, l’association les accompagne pendant un an pour tout leur apprendre et leur permettre d’être autonomes par la suite.
Rencontrez-vous des difficultés avec les populations et gouvernements locaux ?
Nous avons toujours de bonnes relations avec les gouvernements et sommes toujours bien accueillis. L’État français est parfois présent, à l’instar de 2020, où nous sommes allés au Niger avec la députée Michelle Peyron, pour constater nos avancées. Nous avons rencontré des responsables politiques sur place, l’ancien ministre de la Santé et gouverneur de la région, qui sont tous enchantés de notre travail. Quant aux populations locales, nous travaillons main dans la main de bout en bout dans nos projets, et jamais un problème n’a été rapporté.
Propos recueillis par Maud Baheng Daizey