Ce qui s’est passé à Strasbourg hier au Parlement Européen est très grave et nuit à l’image de la France en Europe. ET c’est Emmanuel Macron le seul fautif puisqu’il a voulu maintenir la présidence du Conseil de l’Union Européenne en pleine campagne présidentielle. Macron, roi de l’Union européenne (pour six mois, en fait trois) a certes présenté en une vingtaine de minutes sa vision politique de l’Europe, mais, comme on pouvait s’y attendre, l’Europe ne fut que prétexte à un round de politique intérieure, à 81 jours du premier tour de l’élection présidentielle.
Etait-ce souhaitable pour l’image de la France que Macron confonde cette Présidence avec la campagne présidentielle, conduisant au spectacle peu reluisant de Français se crêpant le chignon devant toute l’Europe réunie à Strasbourg : on lave généralement son linge sale en famille. Nos voisins européens ont dû bien sourire ce matin…
Certes, Emmanuel Macron défendit l’Europe. Il n’aurait pas pu en être autrement. Mais il déroula surtout quelques éléments de son programme électoral, ce à quoi les députés français, dont Yannick Jadot, candidat à la présidentielle et donc concurrent direct du président sortant, lui répondirent avec une véhémence symptomatique de l’ambiance de plus en plus électrique qui règne dans l’hexagone.
Mais ce qui restera peut-être le fait marquant du show du chef de l’Europe fut son accueil tonitruant lors de son arrivée au Parlement. Avant d’entrer dans l’hémicycle, il fut copieusement hué, visiblement par des écologistes tendance ultra (vive le retour à la charrette) agglutinés aux balcons du premier étage, donc à l’intérieur du bâtiment. « Climat, climat. Macron coupable » entonnaient-ils en chœur, pendant que notre président candidat posait pour la photo officielle en compagnie de la nouvelle présidente du Parlement européen, la conservatiste Roberta Metsola.
Cet épisode en préfigure-t-il d’autres ? Emmanuel Macron aura-t-il droit au même type de comité d’accueil qu’Éric Zemmour, auquel il fit implicitement référence dans son discours, notamment en défendant l’État de droit ? Les sondages lui donnent toujours une avance conséquente, tant au premier qu’au second tour de scrutin.
Dans un climat de mécontentement croissant, ponctué de promesses et d’annonces élyséennes dont on ne peut que se demander pourquoi elles n’ont pas été concrétisées ni parfois esquissées au cours du quinquennat, la fiabilité des sondages prête grandement à caution.
L’accueil houleux d’Emmanuel Macron au Parlement européen, la virulence des interventions de ses contradicteurs et le sentiment d’hésitation généralisée de l’électorat (hier soir les Français qui interrogèrent Valérie Pécresse dans l’émission de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV « La France dans les yeux », confièrent leurs doutes sur leur vote [ou l’abstention] le 10 avril) constituent un cocktail dont les effets sont impossibles à anticiper.
Même une surprise n’en serait plus une le 10 avril.
En attendant, les sifflets qui risquent de se multiplier, la Covid qui heureusement commence à baisser serviront peut-être de prétexte ou de bonne raison à Emmanuel Macron pour limiter ses déplacements électoraux.
Un président qui aurait peur d’aller au-devant de ses (éventuels) électeurs, cela n’est jamais bon signe. Et y aller pour se faire recevoir comme aujourd’hui à Strasbourg n’en est pas un meilleur.
Michel Taube