A seulement 31 ans, l’écrivain devient l’un des plus jeunes lauréats du célèbre prix. Son livre, « La Plus Secrète Mémoire des hommes » coédité par Philippe Rey et l’éditeur sénégalais Jimsaan, entre dans la grande Histoire de la littérature française. En voici les raisons.
Une reconnaissance pour le monde littéraire africain
Grand favori de la sélection, il est élu à six voix dès le premier tour. Le jeune Sénégalais a mis très vite d’accord les membres du jury. Et pourtant, à peine quelques minutes après la remise du prix Goncourt, l’auteur saluait la décision des 10 votants certes, mais anticipait déjà les jugements hâtifs dus à sa récompense : « Je crois qu’aujourd’hui l’académie Goncourt envoie un signal très fort à beaucoup de gens. D’abord au milieu littéraire français, évidemment, mais aussi à tous les milieux littéraires de l’espace francophone, et je pense que c’est important de le dire. Je ne voudrais pas du tout qu’on pense que cette récompense relève de quelque chose d’exceptionnel (…). Je n’ignore pas les questions politiques qu’il peut y avoir derrière une récompense semblable et je remercie vraiment le jury d’avoir eu ce geste-là, ce n’est pas un geste de faveur, mais un geste littéraire ».
Année anniversaire, l’Académie du Goncourt a aussi tenu à mettre en lumière le centenaire du prix attribué à René Maran, le premier homme noir récompensé ! D’ailleurs, d’autres grands prix littéraires ont salué le talent des auteurs d’origine africaine cette année. Abdulrazak Gurnah, un écrivain tanzanien, a reçu le prix Nobel de littérature. Paulina Chiziane, originaire de Mozambique, s’est vu décernée le prix Camoes. Quant au prix international Neustadt, il a été remporté par le Sénégalais Boubacar Boris Diop. Et le même jour que Mohamed Mbougar Sarr, le Sud-Africain Damon Galgut, a décroché le Booker Prize. Souvent sous-représentée, la littérature africaine a donc été enfin mise à l’honneur.
Un auteur au cœur de son intrigue
Dans « La Plus Secrète Mémoire des hommes », Mohamed Mbougar Sarr raconte l’histoire d’un jeune écrivain africain passionné par un de ses pairs, un auteur mythique qui connaîtra un destin funeste. S’en suivra une quête littéraire alternant les territoires de Paris à Dakar en passant par Buenos Aires ; les périodes temporelles de la colonisation au nazisme ; mais aussi la variété de ces thèmes autour du plagiat, de la transmission et des croyances.
Au travers de cette histoire mouvementée, Sarr soulève avec humour les travers de notre société. Il s’amuse des effets modes, des livres dans l’air du temps et de la bien-pensance agaçante : « W. est le premier romancier noir à recevoir tel prix ou à entrer dans telle académie. Lisez son livre, forcément fabuleux. X. est la première écrivaine lesbienne à voir son livre publié en écriture inclusive : c’est le grand texte révolutionnaire de notre époque. Y. est bisexuel athée le jeudi et mahométan cisgenre le vendredi : son récit est magnifique et émouvant et si vrai ! ».
Cérébral et sensuel, le roman questionne également le rapport à l’écriture et révèle la relation intime qu’un auteur entretient avec son art. Mohamed Mbougar Sarr jongle avec les mots et nous livre adroitement une réflexion lyrique et profonde sur la littérature, ses interdits, ses libertés et son universalité. Alors s’il fallait dire de quoi parle vraiment ce livre, il faudrait le citer : « Un grand livre n’a pas de sujet et ne parle de rien, il cherche seulement à dire ou découvrir quelque chose, mais ce seulement est déjà tout, et ce quelque chose aussi est déjà tout. ». Tout est dit.
« La Plus Secrète Mémoire des hommes », Mohamed Mbougar Sarr, 2021, coédité par Philippe Rey et l’éditeur sénégalais Jimsaan, est disponible à la librairie Ici Grands boulevards au prix de 22 euros.
Fanny David