Patrick Malvaës est le président du syndicat national des discothèques & lieux de loisirs (SNDLL), et se bat dès le début de la pandémie pour les établissements de la nuit, fermés depuis deux ans, à l’exception d’une courte parenthèse durant l’été 2021. Expert dans le domaine du monde de la nuit, Patrick a fondé le SNDLL en 1977, et le préside depuis le premier jour. Il a également été le propriétaire et gérant de La Guérinière à Gujan-Mestras (33) pendant plus de 40 ans, un établissement intégrant un hôtel, un restaurant (1 étoile Michelin) et une discothèque. Très attaché au tissu social de sa ville, il en a été le maire adjoint jusqu’en 2020. Aujourd’hui, il dévoile son souhait pour 2022 dans les colonnes d’Opinion Internationale.
Pour lui, le gouvernement devrait continuer et renforcer sa politique de soutien au secteur du monde de la nuit, durement impacté. La réouverture du secteur comporte deux enjeux : le premier est économique, car son secteur génère plus de 25 000 emplois et embauche environ 17 000 artistes, qu’il faut sauver. Le second est sociologique, et concerne la santé mentale des Français. Il rappelle que le préfet du centre Val de Loire Pierre Pouëssel a proclamé : « la bamboche, c’est terminé. » « Je trouve ses propos aberrants, réducteurs et dénigrants », s’agace Patrick Malvaës. « Il sous-entend que la discothèque n’est pas hygiénique. La “bamboche” n’est pas terminée et pourrait être le meilleur remède anti-covid dans notre société anxiogène et individualiste. » Patrick Malvaës est catégorique, les Français s’orientent dans des plaisirs individuels pour pallier à la fermeture des discothèques, et se sociabilisent moins. « Aujourd’hui, nous avons un véritable besoin de partage après la Covid, c’est une nécessité, la fête est un puissant antidote qui redonne espoir et canalise les esprits. Sans exutoire la situation devient invivable, nous devons renouer avec la fête et le monde de la nuit. À défaut, le gouvernement va se prendre un mur. »
Déjà un quart des discothèques et boîtes de nuit françaises ont disparu. À Berlin, le gouvernement a mis en place des « zones d’urgence de la fête », pour remplacer les clubs fermés. L’économie locale a rebondi, et quelques clubs allemands animent désormais les zones, qui agissent comme une soupape pour le peuple. « Il faut du pain et des jeux, comme disaient les Romains. On a beau avoir le ventre plein, si on n’a pas le jeu, la cohésion sociale disparaît. » À l’heure actuelle, le syndicat et Monsieur Malvaës sont en contact permanent avec le gouvernement, malgré les différents ministres qui se sont succédé pour traiter avec les professionnels du milieu. Dorénavant, le ministre Jean-Baptiste Lemoine est chargé de négocier avec le SNDLL et les autres représentants du monde de la nuit. Le président du SNDLL se veut confiant, car si les premières mesures de l’année sont insuffisantes pour l’instant, elles « restent un pas vers l’avenir. »
« Voilà deux ans que nous sommes fermés, nous sommes le seul secteur concerné par de telles restrictions », explique notre intervenant. « Le pays comptait 17 000 cas par jour à notre fermeture, et aujourd’hui nous dépassons les 400 000 cas : peut-on encore dire que les boîtes de nuit sont dangereuses avec la Covid ? » Une interrogation qui reste malheureusement en suspens. Sans la fête, pas de mélange des classes, elle est « un facteur essentiel de la fraternité. » Un grand pas doit être fait envers les lieux de convivialité, les protéger étant également le moyen de « défendre l’idée de fraternité, fidèle aux valeurs républicaines françaises. Or, pas d’égalité sans fraternité, et c’est ainsi que nous atteignons la liberté. » En jetant un coup d’œil à l’histoire, Monsieur Malvaës évoque l’interdiction des bistrots et cafés sous Napoléon III. Les gens se seraient alors tournés vers des centres républicains pour boire un coup et débattre de la politique française. Une telle interdiction a contribué à la chute de Napoléon III, car la révolution a pris de l’ampleur dans les centres républicains. Une leçon que les Français ne doivent pas oublier.
Maud Baheng Daizey