En ce début 2022, tout allait si bien pour Emmanuel Macron, malgré un quinquennat plus que mitigé, mais opportunément tronqué par la pandémie de la Covid qui nous a fait oublier un peu vite, et entre autres échecs, le climat insurrectionnel de la période des gilets jaunes et l’abandon cuisant de la mère des réformes, paraît-il, celle de la retraite. L’Omicron était l’allié de l’Omacron…
Mais en dix jours, la tendance s’est inversée : légère baisse dans plusieurs sondages, Edouard Philippe donné comme meilleur candidat du centre qu’Emmanuel Macron dans un sondage, accélération brutale du desserrement des contraintes Covid avant même l’entrée en vigueur, hier, du pass vaccinal (summum depuis cinq ans des injonctions paradoxales dont Macron a le secret), tensions au sein de la macronie où le parti Horizons d’Edouard Philippe prend de plus en plus son envol par raport aux autres partis de ladite Maison commune, Ensemble Citoyens…
Macron aurait-il peur ? Peur de se lancer dans la bataille, dans l’arène ? Car voilà que selon France-Info, Emmanuel Macron refuserait de participer aux débats télévisés précédant le premier tour de l’élection présidentielle. Motif invoqué par les gardiens du Château : diriger la France et l’Europe ne lui laisserait pas le loisir de se mêler à de basses joutes politiciennes dont il serait la cible désignée (que d’injustice, que d’ingratitude !). Il est et sera président jusqu’au bout.
Au bout du bout ? Qu’il refuse donc aussi le débat du second tour car il sera toujours président en exercice ! Ben, voyons !
Si son adversaire du second tour était à nouveau Marine Le Pen, ou Eric Zemmour, l’autre candidat nationaliste, qui sait si Emmanuel Macron ne nous la jouerait pas à la Chirac, qui en 2002 avait refusé de débattre avec Jean-Marie Le Pen ? À l’époque, le “Grand Jacques” avait toutes les bonnes raisons de snober le bulldog d’extrême droite (nos excuses aux bulldogs), que le passé et le passif discréditaient pour l’éternité. La République ne discute pas avec le fascisme. Bon, aujourd’hui le prétendu fasciste, c’est Eric Zemmour : Marine Le Pen, presque devenue Marianne tendance CGT, s’est recentrée (en apparence selon nous) et elle serait presque fréquentable. C’est son ancien pote Éric qui joue désormais les matadors du On est chez nous (et du Pétain sauveur de Juifs). Donc, pas de débat Zemmour – Macron, tant attendu par les amoureux de la rhétorique et des joutes politiques, si c’est le choix des Français au premier tour ?
Emmanuel Macron ne peut refuser l’obstacle du débat. Aurait-il peur ? L’Europe qu’il a instrumentalisée et qui se rebiffe, les mauvais chiffres de l’immigration et de la délinquance, même si on nous dit que subitement, les Français s’en fichent, la facture du quoi qu’il en coûte qui apparaît progressivement, telle une feuille sortant d’une vieille imprimante à jet d’encre, ligne par ligne, les cafouillages de quelques ministres, même si on en fait vraiment beaucoup avec Jean-Michel Blanquer, sans doute l’un des plus vaillants (et des plus muselés ?) de ce quinquennat… Dans les sondages, au mieux, Emmanuel Macron plafonne.
Mais d’autres enquêtes montrent une amorce de baisse dans les intentions de vote, alors qu’il ne s’est même pas encore officiellement déclaré. Il peut encore gagner, un peu comme il le fit lui-même en 2017, ou Anne Hidalgo aux municipales de Paris en 2020 : faute de combattants. Il fut meilleur candidat que président, comme les autres, sans doute.
Mais s’il se confirmait qu’il entend fuir le débat, la confrontation, l’inventaire et le bilan, l’effet pourrait être catastrophique. De quoi Emmanuel Macron aurait-t-il si peur ? De débattre ou de perdre ? S’il joue l’esquive du haut de son piédestal élyséen, il risque fort d’apparaître, en majesté certes, dans tous les apparâts du mépris dont il a suscité la détestation pendant cinq ans. ET cette posture risque fort de renforcer le risque de décrochage : les Français veulent-ils vraiment du même premier de cordée ?
Michel Taube