La dernière enquête OpinionWay pour le Cevipof (Sc.Po.) confirme que les Français sont de plus en plus franchement de droite. Cela se vérifie aussi dans les intentions de votes, du moins telles qu’elles ressortent des sondages : toutes tendances confondues, les droites se rapprochent de la barre des 50 %,
Un chiffre peut-être sous-évalué au regard de la droitisation de la société constatée dans cette même étude où l’on trouve des mesures tout de même surprenantes. 39 % des Français souhaiteraient un régime autoritaire qui s’affranchisse du parlement et du suffrage universel, et 27 % espèreraient même une junte militaire. Que demande le peuple ? 63 % considèreraient qu’il y a trop d’immigrés en France. Si 41 % des Français estiment que l’immigration est une source d’enrichissement culturel, 61 % d’entre eux considèrent que l’islam est une menace pour la République. La droite que veulent les Français n’est pas libérale sur le plan économique. La thèse simpliste de « prendre aux riches pour donner aux pauvres » sied à 57 % d’entre eux, et ils sont encore plus nombreux (73 %) à considérer que les patrons s’enrichissent sur le dos des travailleurs.
Retour sur le théâtre de notre chère vie politique…
Dans la course à l’Élysée, c’est Marine Le Pen fait des efforts infinis pour se fondre dans un moule qui s’apparente plus à un nationalisme de gauche qu’à un libéralisme de droite incarné par Valérie Pécresse, voire par Emmanuel Macron, qui oscille en permanence entre droite et gauche, ou qui veut être partout en même temps.
National et socialiste ? Cela rappelle de très mauvais souvenirs ! Car, dans l’hypothèse tragique d’une arrivée au pouvoir de la fille de son père, le nationalisme reviendrait au galop et le social en serait la caution populiste.
Éric Zemmour, lui, prend sans doute ses désirs pour des réalités en prétendant incarner l’union des droites. On en encore très, très, très loin de cette union. Mais ce faisant, il œuvre à estomper la séparation entre les droites républicaine et nationaliste. Eric Zemmour, lui, fait surtout du Jean-Marie Le Pen plus qu’il n’est en train de refonder le RPR des origines comme il se plaît à le penser.
Quant à Valérie Pécresse, elle est globalement perçue comme une Macron de droite, ce qui devrait en faire la favorite, puisque, on le sait, en cas de passage de l’obstacle du premier tour, la présidentielle se joue au final au centre.
Reste une anomalie que l’on retrouve dans tous les sondages. Comment est-il possible qu’Emmanuel Macron soit favori, voire grand favori de la prochaine élection présidentielle dans un pays si clairement à droite ? S’il ne fait aucun doute qu’il est perçu comme un homme de gauche européaniste et multiculturaliste par les électeurs de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour, le clivage est moins affirmé chez ceux de Valérie Pécresse, elle-même condamnée au grand écart permanent qui rappelle le « en même temps » macronien. D’ailleurs, dans les intentions de vote d’autres sondages, les électeurs de François Fillon en 2017 sont très nombreux à envisager de voter pour Emmanuel Macron dans un second tour Pécresse – Macron. Par machisme d’une vieille droite traditionnelle ? Parce qu’ils auraient perdu le sens de l’orientation (politique) ?
Puisque la France est à droite, entre la tentation nationaliste d’un côté et les sirènes macroniennes et centristes de l’autre, celui qui apparaît, plus que jamais, comme l’arbitre des élégances est Eric Ciotti. Arrivera-t-il à maintenir le cap de son alliance avec Valérie Pécresse et surtout à convaincre ses électeurs de la primaire de LR à le suivre et non à rejoindre son ami Eric Zemmour ? S’il échoue, Zemmour (voire Le Pen) peut battre Valérie Pécresse sur le fil au premier tour. Suspense donc jusqu’au dimanche 10 avril 20h.
Michel Taube