Outre-Mer Martinique
06H59 - dimanche 6 février 2022

Les dessous de l’Histoire : Saint-Pierre-et-Miquelon, 24 décembre 1941

 

Nombreuses sont les œuvres sur l’histoire de la Résistance française lors de la Seconde Guerre mondiale. Mais des pans entiers de la Résistance méritent plus de visibilité et de recherches historiques, qu’ils concernent la métropole ou l’outre-mer. Deux hommes, Xavier Fréquant et Yassir Guelzim, n’ont pas voulu laisser les exploits des Saint-pierre-et-Miquelonnais tomber dans l’oubli. À l’occasion du 80ème anniversaire de la libération de l’archipel par les Forces Navales Françaises Libres (FNFL), paraît leur ouvrage « L’Archipel de la France libre » le 24 décembre 2021, relatant le courage des Saint-Pierre et-Miquelonnais face à la barbarie nazie.

Pour arriver à un tel récit d’histoire, un long travail d’enquête a été nécessaire pour les co-auteurs. « Nous ne sommes pas historiens et ne prétendons pas l’être. Nous avons souhaité proposer un “récit historique” et témoigner, entre enquête et narration, comment un minuscule territoire, dans la botte des Alliés et confetti de l’Empire est devenu un enjeu majeur pour une France en quête d’elle-même », ont-ils expliqué dans la préface.

Même à 5 000 kilomètres, les îles françaises sont tout autant impliquées que la métropole. À Saint-Pierre-et-Miquelon, la population combat pour la France depuis la Première Guerre mondiale, et un vif sentiment patriotique anime les habitants de l’archipel. L’Appel du 18 juin est retransmis en direct sur le caillou (NDLR : terme utilisé par les habitants de l’archipel), et « la population s’émeut de l’invasion et de l’arrêt des combats qu’elle ne comprend pas. Comment la Mère Patrie peut-elle abdiquer alors même que son Empire colonial est intact? » Pour les anciens combattants qui se sont dressés pour les idéaux de liberté et de fraternité, la France ne peut pas se rendre. Ils écrivent au Maréchal Pétain pour le convaincre de continuer la lutte, en vain. Bien que l’archipel soit étroitement surveillé par le régime de Vichy dès 1940, les tracts gaullistes s’échangent néanmoins sous le manteau. Quelques jeunes arrivent à rallier Terre-Neuve puis l’Angleterre, pour combattre aux côtés du Général de Gaulle. Loin des yeux, mais près du cœur, les habitants ne perdent pas espoir et s’engagent en 1941 aux côtés de l’amiral Muselier, dit « L’amiral Rouge », commandant des Forces Navales Françaises Libres (FNFL) et libérateur de l’archipel.

Mais qui était l’amiral Muselier ? Dès les années 20, « Muselier gravit les marches de la hiérarchie militaire et obtient plusieurs commandements », peut-on lire dans l’ouvrage. Son ascension fulgurante le hisse en 1933 au rang de major-général de la quatrième région maritime en Tunisie, où il s’investit dans des œuvres caritatives. Sa carrière connaît un arrêt soudain en 1939, alors qu’il est au poste de vice-amiral, où il est congédié par le chef de la flotte, François Darlan. Lorsque la guerre contre l’Allemagne est déclarée, et que Pétain échange une poignée de main avec Hitler en octobre 1940, Muselier refuse d’abandonner son pays. Le 1er juillet 1940, l’amiral Muselier devient sur ordre du général de Gaulle « Commandant des Forces maritimes françaises restées libres, quelles qu’elles soient et où qu’elles se trouvent. » Ainsi naissent les Forces Navales Françaises Libres, avec pour symbole la Croix de Lorraine que son père, héros de la Première Guerre mondiale, arborait fièrement sur son uniforme. Proche des 60 ans, l’homme sillonne la Manche et convainc les réfugiés français de se rallier à la cause du général de Gaulle.

Lorsque de Gaulle se tourne vers l’Amérique du Nord en 1941, l’amiral Muselier est déjà célébré pour avoir accompli avec succès ses nombreuses missions, ainsi que pour ses compétences de leader. Depuis le début de la guerre, l’archipel n’a cessé d’appeler la France à résister, et ne désespère pas d’être un jour délivré de la tyrannie des Allemands. Pour les Alliés et de Gaulle, l’archipel est un atout à ne pas ignorer. En effet, les habitants de l’archipel sont pour la plupart des marins confirmés et possèdent une flotte de chalutiers, qui serviront les intérêts des FNFL. Pour de Gaulle, libérer Saint-Pierre « prouvera aux Alliés, et notamment aux Américains, que la France Libre peut exercer seule une réelle souveraineté sur les territoires français. » En décembre 1941, la Résistance entend enfin le S.O.S. sur la TSF de Saint-Pierre-et-Miquelon, et décide d’y répondre favorablement L’amiral Muselier est l’homme choisi pour l’opération de libération, qui recrutera les hommes de l’archipel au sein des FNFL. À l’aube du 24 décembre 1941, l’amiral et ses troupes amarrent au port de Saint-Pierre, anxieux à l’idée d’une riposte armée des vichystes de l’archipel. Mais les habitants les accueillent dans l’allégresse, tandis que la Marseillaise est diffusée sur les corvettes de la FNFL. Les gendarmes vichystes n’offrent aucune résistance, saluant l’amiral avec respect. Tous sont Français et fiers de se retrouver.

Agrémenté de photographies d’archives, d’extraits de lettres, et d’un style d’écriture immersif, « L’archipel des Français Libres » est un merveilleux moment d’Histoire. Le récit passionnant des co-auteurs Xavier Fréquant et Yassir Guelzim est à mettre entre les mains des petits et des grands.

« L’Archipel des Français Libres » donnera lieu à la diffusion d’un documentaire sur France 5 au 1er trimestre 2022, avec la participation de Philippe Torreton comme narrateur. L’avant-première aura lieu à l’Assemblée Nationale en février 2022.

« L’Archipel des Français Libres », Xavier Fréquant et Yassir Guelzim, Editions Mon autre France®, www.monautrefrance.com,120 pages, 24x30cm. Prix TTC 39 €.

Maud Baheng Daizey

 

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