Edito
06H55 - lundi 7 février 2022

Ils crament tous la caisse ! L’édito de Michel Taube

 

Une campagne électorale est en quelques sortes une cour des miracles qui ne se réalisent jamais. Cette édition 2022 est celle de tous les records : les promesses fusent comme jamais et la caisse, que d’aucuns accusent Emmanuel Macron d’avoir cramée, est désormais pulvérisée. Au train où vont les choses, on finira avec le SMIC (pour d’autres, les minima sociaux) à 10.000 €/mois et la fin des impôts (ou au contraire la tonte généralisée des riches, comme si la moisson resterait toujours aussi généreuse).

Il faut dire que le « quoi qu’il en coûte » est passé par là. Hier, il fallait une quasi révolution jaune pour qu’on lache quelques piécettes. Aujourd’hui, on joue au Monopoly grandeur nature. Espérons toutefois que nos vrais billets ne se transforment pas bientôt en billets de Monopoly, en monnaie de singe, avec une inflation galopante à la clé. Le mouvement est peut-être déjà amorcé. Contrairement à ce que veut faire croire le Président candidat masqué, tous les gouvernements des pays riches ont déversé une pluie de milliards sur leurs économies respectives. Sans doute Emmanuel Macron a-t-il été particulièrement généreux dans sa distribution de l’argent qu’il n’avait pas, celui des Français, auquel il veut faire croire qu’ils ne devront jamais le rembourser. C’est cadeau de la BCE, la Banque Centrale Européenne. Ce n’est pas l’avis de sa présidente, dame Christine Lagarde.

En France, il n’y a pas qu’Emmanuel Macron qui joue les pères Noël à crédit : tous les candidats, sans exception, promettent plus d’argent à la plupart des Français, ne divergeant que sur les méthodes pour tenir la promesse. Mais à chaque fois, la balance entre les recettes et les dépenses montre un énorme écart que combleront des chimères, comme la lutte contre la fraude fiscale et sociale, la suppression des prestations aux étrangers, la mirifique relance qu’une hausse évidemment massive et durable du pouvoir d’achat ne manquera pas de susciter.

A moins que ce soit l’inverse, puisque le cercle ne pourra qu’être vertueux. Partout, on rase presque gratis ou on prend l’argent là où il n’est pas, ou ne sera plus dès qu’on voudra mettre le grappin dessus.

Tous des menteurs ? Des illusionnistes ? Des candidats à la présidentielle, simplement. Ne dit-on pas que les promesses n’engagent que ceux qui y croient ? Personne n’y croit, raison pour laquelle l’abstention risque d’être au zénith et que l’heureux élu au soir du 24 avril risque de voir sa légitimité rapidement contestée dans la rue.

Le manque de crédibilité des promesses économiques peut aussi avoir une autre incidence : le pouvoir d’achat, qu’on nous dit être la première préoccupation des Français, ne déterminera peut-être pas leur vote. Un candidat nationaliste peut encore espérer sortir du chapeau du premier tour, même s’il y en a sans doute un de trop. Et après, tout est possible, n’en déplaise aux sondeurs, qui gagneraient à faire montre d’un peu plus d’humilité après s’être déjà tellement trompés.

Paradoxalement, aucun candidat ne prendra le risque de revenir sur l’explosion de la caisse, ni aucun ne dira la vérité sur cette dette qu’il faudra payer.

Le vrai sujet de la présidentielle devrait être la dette mais nos chers politiques font comme avec le climat : le Trésor brûle et on regarde dans une autre direction.

Pour le moment, il faut dire au peuple ce qu’il veut entendre, même s’il n’y croit pas. Le regain de croissance, plus important en France qu’ailleurs (après une chute également plus sévère) risque de n’être qu’un feu de paille, contrairement à l’incendie qui peut naître dans la rue, lorsque la réalité explosera, comme la caisse, à la figure des électeurs floués.

Et ce, d’autant que le retour de l’inflation, qui pourrait s’annoncer durable, risque fort de déclencher une vague de pauvreté qui pourrait alors donner aux populistes et aux nationalistes de tous poils un réel espoir de conquête du pouvoir. La caisse aura été cramée d’ici là, coupant d’autant plus toute marge manœuvre à nos chers gouvernants.

 

Michel Taube

Directeur de la publication