Visiblement, Valérie Pécresse les avait, les pétoches, en montant sur la scène du Zénith, salle de concert parisienne dans laquelle tant de rockstars ont hystérisé la foule. Bon, le 4 décembre, Zemmour s’était déporté à Villateneuse pour accueillir deux fois plus d’afficionados ! Le nouveau champion de la droite nationaliste a d’ailleurs dépassé, annonce-t-il ce matin, le cap des 100.000 adhérents de son parti Reconquête.
Revenons à Valérie. Si on voulait jouer sur la rime, on pourrait dire « Valoche a les pétoches », mais la bien-pensance woke et néo-féministe crierait à la vulgarité machiste, plus sans doute que ne le ferait Valérie Pécresse elle-même qui a fort justement descendu en flamme le wokisme durant son meeting.
Le trac de l’artiste disparaît généralement dès que le show démarre. Ce ne fut pas le cas en cet après-midi du 13 février 2022, date que tant de médias nous présentaient comme un tournant : « Pécresse, c’est maintenant (ou jamais) ! » entendions-nous dire sur un ton digne des teasings de CNN ou d’une bande-annonce du prochain Star Wars.
Valérie eut donc les pétoches tout au long de sa prestation, si on en croit les commentateurs et même bon nombre de ses partisans dans la salle. Il est vrai que la chanson souvent sonnait faux, non pas par défaut de sincérité (ni plus ni moins que ses concurrents), mais parce qu’elle ne maîtrisait manifestement pas l’art du live show, qu’elle n’était pas à l’aise, qu’elle ne parvenait pas à se décoincer, que les envolées lyriques étaient surjouées. Bref, on n’y croyait pas. Et comme Valérie Pécresse n’est pas une novice en politique, elle en a certainement eu conscience. Est-ce grave, docteur ?
Éric Zemmour, aujourd’hui aussi à l’aise que Mick Jagger devant une foule en délire (il dit d’ailleurs être un grand fan des Rolling Stones) fut, il n’y a pas encore longtemps, un piètre orateur dans cet exercice, qui n’a rien du débat sur un plateau de télévision. Valérie Pécresse devrait donc avoir une seconde chance. Mais tout le monde n’est pas aussi doué pour le théâtre qu’un Éric Zemmour, un Emmanuel Macron ou un Jean-Luc Mélenchon. Ou bien sûr un Nicolas Sarkozy, qu’elle avait rencontré l’avant-veille, dont l’ombre planait sur le Zénith, une ombre mouvante et évanescente.
Valérie a bien les pétoches. Et cette fois, ce n’est pas seulement le trac de l’artiste avant de monter sur scène, ou le manque d’assurance dans cet exercice qui inquiète la candidate de LR. La forme défaillante s’ajoute au fond hésitant, voire déroutant. Hier, Valérie Pécresse refusait de faire sien le grand remplacement cher à Éric Zemmour. Aujourd’hui, elle reprend l’expression à son compte, y ajoutant le grand déclassement, également crédo du candidat nationaliste plus que jamais en situation de lui griller la politesse en avril prochain. Alors que la plaie ouverte au sein de LR en 2017 par la victoire d’Emmanuel Macron se rouvre, que l’hémorragie a repris, notamment avec la défection d’Éric Worth et de la Maire de Calais (quel symbole !) qui rallient le camp du président sortant, une question se fait de plus en plus pressante au sein du parti néo gaulliste : faut-il attendre la défaite pour tout faire voler en éclat ?
Valérie a les pétoches. La défaite n’est pas inéluctable. Éric Ciotti tient bon, et sa fidélité à sa famille politique, qu’il se plaît à rappeler chaque fois qu’on l’interroge sur son amitié et sa proximité idéologique avec Éric Zemmour, devrait se prolonger jusqu’au soir du premier tour. Mais encore faut-il que le match ne soit pas inéluctablement plié avant le coup d’envoi. Emmanuel Macron, c’est plus que jamais l’UMPS, que dénonçait naguère Marine Le Pen. Le candidat LR, quelle qu’il soit, ne peut être que coincé entre Zemmour / Le Pen et Macron. Du « En même temps » de droite, un grand écart pour Valérie Pécresse, jusqu’à s’en déchirer les ligaments.
Contrairement au teasing annonçant le meeting de la dernière chance, Valérie Pécresse n’est pas éliminée, malgré sa prestation en demi (en quart) de teinte. Mais la cocotte LR est sous pression et le couvercle risque plus que jamais de lui exploser à la figure. Les premiers sondages suivant l’entrée en campagne officielle d’Emmanuel Macron seront déterminants, du moins s’ils indiquent tous une même tendance. Entre-temps, Valérie doit répéter son prochain show et clarifier sa ligne politique, si tant est que ce soit possible. Hier dans son discours, le manque de hiérarchisation des priorités, les deux – trois idées maîtresses qui structurent un campagne, manquaient à l’appel.
Comme tous les cadres, militants et sympathisants de son mouvement, Valérie et de nombreux Français n’ont pas fini d’avoir les pétoches.
Michel Taube