Le handicap effraie, dans la vie comme dans les romans, et il est souvent difficile pour des enfants et des adolescents de trouver les mots justes pour en parler.
Trois livres merveilleux dans lesquels chaque personnage s’adapte, compense, pleure, et parfois se révolte.
Le premier roman, S’adapter, de Clara Dupont-Monod, décrit l’arrivée d’un enfant lourdement handicapé dans une fratrie. Le livre a obtenu en 2021 le Prix Femina et le Goncourt des lycéens.
Portrait d’une famille
« Un jour, dans une famille, est né un enfant inadapté. Malgré la laideur un peu dégradante, ce mot dirait pourtant la réalité d’un corps mou, d’un regard mobile et vide. “Abimé” serait déplacé, “inachevé” également, tant ces catégories évoquent un objet hors d’usage, bon pour la casse ».
Un enfant « inadapté », à cause d’une anomalie génétique qui l’empêche de voir, de se mouvoir et réduit son espérance de vie. Un être qui se tient « au bord des autres vies, pas complètement intégré à elles, mais y prenant part malgré tout, telle l’ombre au coin d’un tableau, à la fois intruse et pourtant volonté du peintre ».
L’auteure choisit de livrer alternativement le point de vue des frères et sœurs, car « si un enfant va mal, il faut toujours avoir un œil sur les autres (…) Les bien-portants ne font pas de bruit, s’adaptent aux contours cisaillant de la vie qui s’offre, épousent la forme des peines sans rien réclamer (…) Ils se tiendront là, vigie dans la nuit noire, se débrouilleront pour n’avoir ni froid ni peur. Or, n’avoir ni froid ni peur n’est pas normal. Il faut venir vers eux ».
L’aîné sera tout entier dans un rôle protecteur, au point de s’oublier.
La cadette sera dévastée par la colère envers ce frère qui lui vole ses parents, son grand frère, son enfance. D’abord saisie de dégoût devant ce corps, puis de culpabilité face à ses sentiments, elle se montrera capable d’évoluer, de s’ouvrir, de vivre.
Le petit dernier, arrivé après la mort du frère handicapé, sera l’enfant réparateur, mais en interrogations constantes sur ce « fantôme » envers lequel il éprouve une grande tendresse.
Un peu plus près des étoiles, de Rachel Corenblit raconte l’histoire de Rémi, un adolescent solitaire.
Des blessés de la vie
Le père de Rémi est médecin « remplaçant » dans des hôpitaux psychiatriques, Rémi est un collégien en classe de troisième. Ils vivent tous les deux dans un logement de fonction de l’hôpital. Confronté à des jeunes de son âge gravement accidentés avec de lourdes séquelles physiques, des « monstres » qu’il contemple avec effroi, Rémi va peu à peu s’ouvrir à ces jeunes et se lier d’amitié d’eux. Un roman profondément humain sur la difficulté de se reconstruire quand le corps fait peur, sur la relation père-fils et sur la force de l’entraide.
Dans le troisième roman, plus ancien, Nos cœurs tordus, le lecteur fait la connaissance de Vlad, jeune garçon drôle, sensible et généreux, mais aux mouvements désordonnés, « ses genoux cognent » et il a besoin d’une canne pour marcher.
Une classe « ULIS »
Dans la classe « ULIS » — Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire — du collège Georges Brassens, il y a aux côtés de Vlad une jeune fille en fauteuil roulant et un garçon atteint de trisomie 21. Ils suivent un enseignement adapté, mais bénéficient de moments d’inclusion dans les classes ordinaires et participent ainsi à la vie collective, sociale et festive de leur collège. Handicapés ou pas, les personnages sont avant tout des adolescents avec les problèmes de leur âge : les professeurs qui les ennuient ou les stimulent, les parents qui font de leur mieux, mais ne comprennent pas grand-chose, et surtout, les amis et les amoureux.
Anne Bassi