Ne représentant au total qu’à peine 20 % des intentions de vote des Français selon toutes les études d’opinion, les candidats de gauche s’enlisent et s’époumonent pour rallier leur cause. Si les électeurs des socialistes, écologistes et communistes ne manquent pas de convictions, leurs candidats changent et s’échangent leurs idées sans plus hésiter. Face aux hésitations et aux revirements soudains des représentants de la gauche, aura-t-on un candidat qui se démarque pour les élections ? La gauche pourra-t-elle un jour se relever, à l’instar de la droite issue de LR qui dégringole ?
Ancré, mais volatile : le paradoxe de l’électorat de gauche
Cette désaffection électorale annoncée ne signifie pas que « le peuple de gauche » a totalement disparu. La primaire populaire en est un exemple fort, avec plus de 467 000 participants. Simplement, les électeurs de gauche, quand ils ne sont pas partis à l’extrême-droite pour les franges les plus populaires, font certainement payer CASH la dispersion des candidatures de gauche : l’abstention risque d’être massive à gauche, une forme de désaveu cinglant de ces dispersions.
Les 467 000 personnes qui ont répondu présent pour la primaire populaire, adoubant la candidature de Christiane Taubira, sont certainement déçues par le manque d’entrain qu’elle suscite, notamment au Parti Radical de Gauche qui vient de lui retirer ses soutiens.
Selon l’IFOP et de nombreux instituts, les sympathisants de gauche « souhaitaient une candidature unique de la gauche » à 70 %, et ce pour trois sondages s’étalant entre novembre 2020 et novembre 2021. Sur les 7 Français sur 10 concernés, seulement 4 considéraient qu’une telle alliance pourrait se concrétiser. Pis encore, tous les candidats étaient vus par l’électorat de gauche comme de mauvais représentants. Ces doubles craintes semblent bien se réaliser…
L’incertitude reste entière à 55 jours du premier tour… et à deux semaines de la clôture fatidique des parrainages. Et comme le rappelle Le Figaro, « 70 % des électeurs de Christiane Taubira, 68 % de ceux d’Anne Hidalgo et 62 % des sympathisants de Yannick Jadot sont susceptibles de changer d’avis durant les deux mois qui viennent, perdus au milieu de cette cohorte de candidatures. » Candidatures qui ne sont au final qu’un fourre-tout d’idées (idéalistes ou non), dans lequel chacun et chacune se sert au besoin. Ainsi, ils peuvent se renvoyer la balle pour une partie aussi interminable que la finale de l’Open Australie 2017 entre Nadal et Federer. Pas étonnant que les Français ne sachent plus où donner de la tête.
Hidalgo à terre
Anne Hidalgo, la Parisienne qui voulait être la voix de la France, sort affaiblie de la course à « l’investiture » du peuple de gauche. Qu’importe la dernière position au classement de la Primaire populaire (derrière les autres candidats qui n’ont pas participé), une part du peuple de gauche a parlé : on pourra retenir que c’est un vote populaire qui a achevé d’enterrer la légitimité de la maire de Paris pour représenter la gauche. Il faut dire que la social-démocratie héritée de la rue de Solferino, ni Anne Hidalgo ni aucun autre candidat ne peut plus la porter haut et loin. Même s’il lui reste des élus locaux, cette gauche centriste est certainement morte. Cela n’empêche pas Hidalgo de poursuivre sa campagne, au mépris de sa promesse d’union derrière le candidat favori de la primaire.
« L’union fait la force, mais force est de constater qu’il y a désunion »
Première de tous et toutes à vouloir fragiliser encore plus l’équilibre de la présidentielle, Christiane Taubira a relancé les dés sans plus se soucier des conséquences. La candidate-messie à seulement 5 % d’intentions de vote, volant les idées des autres sans avancer de chiffres probants, harcèle ses adversaires pour qu’ils la soutiennent dans sa course. Mais voilà qu’une réunion secrète entre les équipes de Jadot et Taubira, qui au départ n’ont pas voulu confirmer l’info, met à mal ses affirmations. Et pourtant, Taubira disait encore la semaine dernière « à Anne Hidalgo, à Yannick Jadot, à Fabien Roussel : retrouvons-nous ensemble et parlons sans condition, sans préalable, sans tabou. » Une chose est sûre, la transparence des politiciens n’est (toujours) pas au goût du jour.
Dernière en date à secouer l’échiquier politique, Ségolène Royal a publiquement annoncé mercredi 16 février que « le vote utile à gauche, c’est le vote Mélenchon. C’est lui qui fait la meilleure campagne. Il est en train d’arrondir les angles sur ce qui pouvait déplaire chez lui. Il est capable de répondre à l’ensemble des questions. Il est structuré, cultivé. Il a l’expérience d’une campagne présidentielle. Il sait prendre des coups. C’est lui le plus solide », a-t-elle assuré sur BFMTV. Dans un tweet déjà supprimé, Fabien Roussel s’est fendu d’un commentaire sarcastique : « Peut-être qu’elle a négocié un poste de députée chez La France Insoumise. »
Mélenchon justement, cartonne dans les sondages et sur les réseaux sociaux. Il représente à lui seul la moitié des intentions de vote de la gauche, preuve vivante de l’échec des modérés sur de longues années. L’homme a une meilleure équipe marketing que ses adversaires, qui peinent à enchaîner les plateaux télévisés comme lui.
À quand le renouveau politique ?
Malgré toutes ces dramatiques statistiques, « les gauches » de 2022 ne se ressemblent plus, et c’est le communiste Fabien Roussel qui est proclamé candidat de gauche favori de la droite sur toutes les chaînes d’informations. Les Républicains connaissent leur propre effet boomerang avec Zemmour, et c’est toute une classe politique qui ne séduit plus. Les électeurs ne manquent pourtant pas de convictions, elles ne sont simplement ni comprises, ni exploitées par les hommes et femmes qui se disent leurs représentants. En écho à la déception des votants, le parti de Raphaël Glucksmann « Place publique » a décidé de ne soutenir aucun candidat de la gauche le 16 février, alors qu’il avait appuyé Anne Hidalgo en 2019 pour les élections européennes.
À gauche comme à droite (n’oublions pas que Valérie Pécresse n’inspire seulement que 15 % d’intentions de vote), la population se lasse des mêmes candidats qui malgré leurs échecs tous les 5 ans, veulent encore nous persuader qu’ils sont (des) nôtres. Il y a bien longtemps que les Français ont abandonné le vote convaincu pour le vote utile ; et si la classe politique refuse de se renouveler, le vote utile cédera fatalement sa place à l’abstention, rongeant déjà la jeunesse française. Comme disait l’internaute Lahcene Bouhassoun pour Sud-Ouest, « l’union fait la force, mais force est de constater qu’il y a désunion. »
Qu’est devenue la démocratie en France pour qu’on en arrive là ?
Maud Baheng Daizey