La présidentielle de 2017 a été marquée par des taux record d’abstention : 25% au second tour, du jamais vu depuis 1969. 30% des jeunes de 18-24 ans et 28% des 25-34 ans se sont abstenus d’aller voter. Aux élections européennes de 2019, si le taux de participation des Français n’a jamais été aussi haut depuis deux décennies (50%), les jeunes restent néanmoins désintéressés (42% de participation chez les 18-24 ans). Alors quelles solutions françaises et étrangères ont vu le jour ces dernières années pour contrer l’abstention ?
L’apport inattendu des applications de rencontre et des… préservatifs
Depuis le 16 février, Tinder a annoncé s’associer avec une ONG, “A Voté”, afin de mener une campagne d’incitation au vote parmi la jeunesse française. Dorénavant, entre deux swipe, les utilisateurs verront une publicité s’afficher pour leur rappeler de donner procuration ou s’inscrire sur les listes électorales. De même, l’application mobile “Elyze” propose de découvrir les candidats et trouver son match sur le même principe que Tinder.
Mais bien avant Tinder et Elyze, l’association Vote&Vous avait mis au point en 2014 et 2017 une application pour “matcher” avec le candidat de vos convictions. Sur le site de l’application, l’équipe explique que “de jeunes citoyennes et citoyens entre 16 et 30 ans ont rédigé les questions pendant un workshop de deux jours.” Un vote fait par et pour les jeunes, en somme. La première année, 350 000 utilisateurs pour les européennes de 2014.
Plus coquine, la marque de protections Callvin s’était mise à vendre en 2017 une collection de préservatifs « Érection Présidentielle.” Les logos et slogans des candidats de l’époque avaient été détournés de façon osée : ainsi, les inscriptions “la Fesse Insoumise”, “Fist National” ou encore “Europe Écologie les Verges” figuraient sur tous les emballages. Le tout pour “100% de plaisir, 0% d’abstention.” Stéphane Calleja, fondateur de Callvin, s’était rendu compte avec la gifle que Manuel Valls avait reçue, “que la politique faisait parler. Ça nous est apparu comme une évidence de lancer une collection présidentielle. »
La municipalité de Strasbourg relève ses manches
Effarée par les 80% d’abstention aux élections régionales de 2015 dans un quartier dit “prioritaire”, la ville prend la décision en 2017 de lancer une campagne, “Challenge Citoyen.” L’initiative consiste à persuader les habitants des quartiers populaires de la ville à s’inscrire sur les listes électorales, puis à “mandater” des jeunes desdits quartiers pour pousser les inscrits à se rendre aux urnes pour la présidentielle. Le quartier qui aura atteint le plus haut taux de participation reçoit une récompense financière, pour organiser une “fête Républicaine” où tous les habitants sont conviés.
En voiture Simone !
Guillaume Hamon est un chauffeur de taxi domicilié à Ploubezre, Côtes d’Armor, qui a eu l’ingénieuse idée de prêter son taxi aux personnes âgées et isolées pour les conduire à l’urne en 2017. L’opération inédite a été un franc succès, vite suivi par de nombreux taxis de Paris et Marseille. “Je me suis dit : ‘pourquoi laisser des gens, comme ça, qui ne peuvent pas voter ? On est en démocratie quand même !’ Je me mets à leur place. Un jour je serai vieux aussi et j’aimerais que quelqu’un s’occupe de moi », expliquait-il à France Bleu Bretagne. Les taxis ne sont pas les seuls à servir de navette : depuis 2014, la Jeune chambre économique de Laval met en place à chaque élection le “blablavote”, qui permet de réserver une voiture, ou d’organiser un covoiturage pour se rendre aux urnes le jour fatidique.
Les universités, grandes oubliées de la mobilisation
Outre-Manche, les pouvoirs publics ont compris que pour impacter les jeunes, rien de mieux que de se rendre là où une grande partie d’entre eux étudient toute la journée : les universités. À Londres, la fac a proposé en 2019 aux étudiants inscrits sur les listes électorales à temps de venir caresser une chèvre sur le campus. L’idée prête à sourire, mais l’University College London a néanmoins vu son opération être couverte de succès. Quant aux universités de Bristol et de Plymouth Marjon, elles ont préféré offrir un verre aux jeunes électeurs le jour du scrutin la même année. D’autres mesures plus radicales ont vu le jour : désormais, les universités de Hull, Sheffield et Worcester imposent la carte d’électeur aux étudiants s’ils veulent s’incrire au sein de leur établissement.
Il serait donc intéressant de développer l’idée en France et de rallier les universités aux initiatives citoyennes, pour avoir une meilleure audience. Après tout, bien qu’amusante, rien ne dit que les préservatifs “Érection présidentielle” suffiront à réduire l’abstention sur le long terme…
Maud Baheng Daizey