Ce pan de l’Histoire est méconnu. Il est pourtant bien réel. En 1981, François Mitterrand fut élu grâce à… Jacques Chirac. Cette rencontre secrète entre les deux hommes, entre les deux tours de l’élection présidentielle nous est racontée par Hervé Bentégeat qui fut durant vingt ans grand reporter notamment au Point et au Figaro. La mise en scène, brillante du franco-belge Jean-Claude Idée fait reculer les décennies, balayant 15 ans de notre passé qui vit pêle-mêle la victoire de Noah à Roland Garros, le décès du petit Grégory, le club Dorothée, les manifestations de la place Tian’anmen, la chute du mur de Berlin… « Elysée » nous mène de la mort de Tonton à cet entretien savamment orchestré par le ministre du Général de Gaulle, Philippe Dechartre. L’homme d’État joue là les intermédiaires, mais aussi le rôle de narrateur : « Qu’est-ce qui fait gagner une élection présidentielle ? harangue-t-il. Le programme bien sûr, et la personnalité. Mais il y a autre chose : l’air du temps, les mécontentements souterrains, l’apparition de nouvelles revendications, le désir de changement, toutes choses que les politologues expliquent fort bien a posteriori, mais qu’ils sont incapables d’anticiper (…). L’imprévu est un invité qui bouscule souvent les pronostics ». Et c’est en effet ce qui s’est passé en 1981 lorsque Chirac a décidé de couler Valéry Giscard d’Estaing pour devenir à lui seul, l’opposition. Le grand homme politique qu’est Philippe Dechartre, a abrité chez lui cette rencontre clandestine réjouissante entre deux alliés de fortune, que l’on suit avec curiosité. Les comédiens nous emportent dans un échange intelligent, mais aussi drôle et piquant où les bons mots fusent. Dechartre est d’ailleurs joué par son propre fils, Emmanuel, que nous avons déjà eu le plaisir de voir dans L’un de nous deux, un dialogue très fin entre Blum et Mandel, également avec le journaliste Christophe Barbier qui incarne ici à merveille François Mitterrand. Nous nous attarderons aussi sur Adrien Melin qui personnifie incroyablement bien Chichi, avec ses mimiques, son ton de voix, sa stature et sa gestuelle. Le comédien est totalement bluffant dans le rôle du candidat malheureux, qui fut également Premier ministre, maire de Paris, et enfin Président de la République.
À quelques mois de l’élection présidentielle, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur les alliances secrètes, ignobles trahisons et pactes inattendus qui feront basculer, ou non, les résultats. La pièce est jubilante, mais la réalité beaucoup moins.
En attendant, régalez-vous avec Élysée, qui vous allègera les semaines électorales éprouvantes à venir.
Élysée d’Hervé Bentégeat
Théâtre du Petit Montparnasse
31 rue de la Gaieté, 75014 Paris
Deborah Rudetzki