Puissant et intelligent, l’ouvrage de Karine Tuil avait été encensé par les critiques. Roman à succès, il a suscité l’intérêt du réalisateur de « Mon chien stupide », aussi connu sous le nom d’Yvan Attal. Avec à l’affiche Charlotte Gainsbourg et Ben Attal, Les choses humaines a fait son entrée en salle en décembre dernier.
Un roman coup de poing
Inspiré de faits réels, l’histoire récompensée par le Goncourt des Lycéens 2019 et le Prix Interallié gagné la même année s’appuie sur l’affaire dite de “Stanford” qui avait reçu un fort retentissement aux États-Unis. Très rapidement, l’autrice dresse avec habilité le portrait de cette famille aux apparences de perfection. Mais tout n’est qu’hypocrisie. Jean et Claire Farel forment un couple de pouvoir ayant tous les deux réussi dans leur milieu respectif : le journalisme et l’écriture. Leur fils, quant à lui, étudie dans une prestigieuse école américaine cochant toutes les cases pour accéder à une carrière encore plus brillante que ces parents. Et il suffira d’une soirée pour faire, peut-être, basculer leur destin …
À travers des personnages stéréotypés, Karine Tuil s’empare d’un drame social et démonte un à un les faux semblants qui l’entretiennent. Témoin de la descente aux enfers d’une famille réputée, le lecteur assiste au lynchage médiatique des protagonistes. Alors à tort ou à raison ? Telle est la réflexion qui oppose notre société sur la question du tribunal médiatique. Le fils des Farel, Alexandre, a-t-il violé Mila ? A l’image d’un thriller, le lecteur retient son souffle face au dénouement d’une intrigue qui résonne dans l’actualité. Patrick Poivre d’Arvor, Nicolas Hulot, Gérald Darmanin, Roman Polanski, Olivier Duhamel ou Yannick Agnel, à l’image du roman, occupent eux aussi des positions de pouvoir dans notre société et ont tous fait l’objet de procédures judiciaires.
Si pour le lecteur, ce récit est frappant, c’est parce qu’il trouve un écho dans son quotidien. Il aborde des sujets tels que le communautarisme, le féminisme et ses limites, les constructions sociales, la “zone-grise” (si “zone-grise” il y a) et plus largement l’ensemble des travers de notre société.
Une adaptation cinématographique bouleversante
Aussi percutant que l’ouvrage, le film d’Yvan Attal s’attache à pousser le malaise à son paroxysme. Le challenge était de taille pour le réalisateur qui réussit à nous interroger sur les mécanismes du jugement collectif et du consentement. Découpée en trois parties, la trame du film est ficelée de manière harmonieuse et différente du roman. Il y a d’abord le point de vue de l’accusé joué par Ben Attal puis celui de la victime interprétée par Suzanne Jouannet et enfin vient le moment de vérité et de justice : le procès.
Ce moment où les versions s’opposent impacte le film de manière spectaculaire. Le spectateur est témoin de la force des plaidoiries, immergé et tiraillé en tant qu’observateur dans un procès qui peut changer la vie d’un homme ou d’une femme. Filmé avec un plan séquence de 8 minutes, le réalisateur nous embarque dans un spectacle sous tension où la vérité semble versatile. Pour ce travail technique, Yvan Attal a d’ailleurs reçu le Chabrol d’or au dernier Festival du Film du Croisic, une célébration dédiée aux adaptations littéraires sur grand écran.
Finalement, que vous aimiez mieux les livres ou les films, Les choses humaines vous promettent d’aborder de grands sujets d’actualité et de vous faire ressentir des émotions avec une qualité technique indiscutable !
Fanny David