paru le 10 septembre 2021
Chacun connaît l’adage, « quand le bâtiment va, tout va ». Tous les gouvernements et tous les ministres de l’Économie comme du Logement scrutent avec attention l’activité du bâtiment en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, tant cette activité participe au dynamisme de notre économie tout entière. Pourtant, depuis plusieurs mois, et particulièrement depuis début 2021, tous les indicateurs du secteur de la construction sont au rouge. Baisse drastique des permis de construire, nouvelles normes environnementales RE2020, hausse des matériaux de construction, difficultés d’approvisionnement, difficultés à trouver du personnel, etc. Toute la filière de la construction semble fragilisée, au bord d’une crise majeure.
Le gouvernement paraît en être conscient, mais ne prend toujours pas de mesures suffisantes pour juguler la pénurie de logements qui s’annonce. Alors qu’il faudrait, selon la plupart des spécialistes, 500 000 logements neufs par an pour satisfaire la demande, moins de 400 000 seront construits cette année, cela après un net recul en 2020, et un déficit de logements en 2019 et 2018 ! pire, ce déficit devrait encore s’accentuer en 2022 !
Sur les permis de construire, les maires qui souhaitaient se faire réélire lors des dernières élections municipales avaient gelé un grand nombre de programmes de construction. Ils avaient en mémoire cet autre adage que me rappelait mon poissonnier Michel M., « un maire qui construit est un maire battu ». Ce sont souvent avec les commerçants de quartier que les discussions du quotidien sur la Vie de la Cité montrent le plus de bon sens. Les nouveaux maires, une fois élus en 2020, n’ont pas accéléré pour autant les accords de permis de construire ; sans parler des maires dits écolos qui freinent des quatre fers devant tout projet de construction. Ces mêmes maires avaient pourtant promis de faciliter l’accès au logement et de lutter contre l’inflation des prix du logement. Leur action, ou plutôt leur inaction, produit l’effet inverse. Merveilleux ! Faute de nouveaux logements en nombre suffisant, le prix des logements existants grimpe. Et la hausse des matériaux de construction, la difficulté à trouver du personnel, la difficulté à se faire simplement livrer les matériaux une fois achetés ne peuvent que renforcer hausse des prix et pénurie de logements. L’inverse du but recherché… On pourrait poursuivre les adages « qui sème le vent récolte la tempête »…
Faute de maires conscients de cette crise, faute d’interlocuteurs dans les équipes municipales qui ne soient pas arcboutées contre une éventuelle artificialisation des sols, il serait temps que le gouvernement reprenne en main le dossier des permis de construire, des recours des tiers qui allongent souvent sans raison pertinente les délais et les coûts. Le gouvernement devrait également s’attacher à faciliter les approvisionnements. Mais le gouvernement Castex s’enlise dans le traitement de la crise sanitaire, et, plutôt que de relancer avec force et vigueur l’économie en général et la construction en particulier, plutôt que de rallumer tous les moteurs de notre économie, de la booster, il ne suggère que des mesures de survie à l’aube des élections présidentielles de 2022. L’attention de l’exécutif, comme de ses adversaires, sera vite tournée vers les propositions et non plus les actions. Inutile d’en ajouter et d’évoquer le triste bilan de ce gouvernement sur le secteur du logement, secteur mal aimé, toujours bien trop imposé, alors que ce secteur, non délocalisable, est vital pour notre pays. On peut acheter un Picasso et le vendre sans la moindre taxation, mais pas un studio !
Il faudra donc attendre le prochain président pour penser la véritable relance économique de notre pays, pour incarner une politique de bâtisseur, d’architecte de demain (d’autant que les plans existent, il suffit d’avoir la volonté d’ouvrir le coffre, de ne pas laisser ces plans au fond des tiroirs), et pour remettre sur pied ce secteur du logement, en espérant qu’il ne soit pas trop tard, car, dernier adage délicieux, un pays qui ne construit plus est un pays qui s’effondre…
Patrick Pilcer
Conseil et Expert sur les Marchés Financiers