Hier lors de ses quatre heures de conférence de presse, Emmanuel Macron s’est mué en un président d’union nationale tel qu’il voudrait l’être dans les années à venir. Comme faire l’union nationale sans emprunter aux uns et aux autres les talents et les bonnes idées ?
Schématiquement, la droite – plus exactement le libéralisme – permet d’obtenir le plus gros gâteau, alors que la gauche – le socialisme – permet de le répartir le plus équitablement. Problème : l’équité du partage tend à rapetisser la taille du gâteau, sans quoi gouverner serait chose aisée.
Emmanuel Macron, chantre du « en même temps » est accusé par la droite de piller ses idées (on se souviendra que lors du débat Pécresse-Zemmour, on se serait cru dans une cour de récréation : « tu m’as copié moi non plus » aurait pu chanter Serge Gainsbourg !), ce à quoi l’intéressé répondit hier qu’il s’en fiche « royalement » et « présidentiellement », deux adjectifs qui s’accordent parfaitement sous notre Vème République, dont le Président dispose de pouvoirs régaliens quasi absolus, tout en étant, comme ses confrères, soumis au marché et à la géopolitique.
A priori, l’adversaire rêvé d’un candidat, a fortiori un sortant incarnant le « système », est d’affronter au second tour un rival qui prétend le détruire. Pour Emmanuel Macron, ce serait Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon ou Éric Zemmour, ce dernier inspirant désormais trop d’inquiétudes pour accéder au second tour. Il aurait pu en être autrement sans le Covid et Vladimir Poutine.
Les Français ne semblant pas disposés à bazarder ledit système, le Président-candidat se doit de rassembler, et ce dès le premier tour, ce qui consiste en pratique à siphonner les voix (et les talents) de ses adversaires de droite classique ou républicaine, et de gauche sociale-démocrate.
Cette dernière n’existe plus, ou plutôt elle est devenue LREM, donc Emmanuel Macron. La première est moribonde, mais bouge encore. Valérie Pécresse est sa candidate, et son sort semble sur le point d’être scellé. LR, c’est aussi, ou ce sera Emmanuel Macron, sauf sa branche nationaliste qui s’en détachera bientôt… C’est-à-dire au soir du premier tour de la présidentielle.
Sur le plan de la stratégie électorale, il est ainsi de bonne guerre que le chef de l’Etat fasse siennes les idées de ses adversaires, dont rien n’indique d’ailleurs qu’elles ne soient aussi les siennes. De toute manière, l’important n’est pas là, puisque personne ne croit aux promesses.
Sur le plan idéologique, Emmanuel Macron a également raison de n’avoir aucun scrupule à partager de nombreuses idées avec ses adversaires. Comment pourrait-il en être autrement ? Sauf à proposer la révolution islamo-bolchévique à la sauce Mélenchon, ou le retour à la bougie couleur vert bornée des Verts pastèques, ou encore le repli sur le village gaulois des nationalistes les plus férus, la gouvernance est une cuisine consistant à accommoder un certain nombre d’ingrédients dont seuls le dosage et la sémantique varient.
Bref on gouverne généralement au centre et Macron en a fait sa doctrine, son idéologie ! On n’en a décidément pas fini avec le « en même temps ».
Michel Taube