Nous sommes tous des psychanalystes, du moins sommes-nous tous autorisés à nous prévaloir de cette qualification qui n’en est pas véritablement une, en ce que psychanalyste n’est pas profession règlementée, comme psychologue ou psychiatre. Donc, forts de cette légitimité très extrapolative, nous voici bien fondés à proposer à Vladimir Poutine, comme naguère à Donald Trump, de s’allonger sur le canapé de Sigmund Freud, dont nous sommes tous les héritiers.
Après l’élection de Donald Trump, précisément, certains psychanalystes de la dernière heure scrutaient son regard, et en déduisaient que la troisième guerre mondiale était proche. Du moins allait-il commencer par raser Téhéran, puis Pyongyang, avant de s’intéresser à Pékin. Pour Moscou, on verrait plus tard, car Vladimir Poutine détient peut-être quelques secrets, comme des vidéos de galipettes du fantasque milliardaire américain dans la capitale russe. Simple supposition, bien entendu…
Aujourd’hui, on s’interroge, sans doute avec raison du moins avec angoisse, sur la santé mentale du maître d’une Russie aux relents soviétiques de plus en plus affirmés. Ce n’est pas tant l’invasion de l’Ukraine qui en est la cause, invasion dont la logique géopolitique laisse certes songeuse, puisque personne s’envisageait d’envahir la Russie, que l’attitude de l’intéressé en présence de ses interlocuteurs (comme sa fameuse entrevue avec notre Emmanuel Macron national, laissé à six mètres de distance). Et c’est bien entendu sa façon de menacer l’Europe, voire le monde de vitrification nucléaire qui amène à se demander si le type n’est pas cinglé.
La dépression est une pathologie qui peut conduire à des attitudes extrêmes. On se souviendra d’un grand dépressif, Andreas Lubitz, copilote d’un avion de la Germanwings, qui s’était suicidé en mars 2015 en écrasant un avion de ligne sur une montagne des Alpes, causant la mort de 150 personnes. Et si Vladimir Poutine, dépressif et peut-être atteint d’une maladie incurable, voulait se suicider en emportant dans sa tombe l’humanité entière ? Pure supposition, encore.
Les dictateurs (et qui peut douter que Vladimir Poutine en est un, ou en soit devenu un ?) sont nécessairement sujets à paranoïa. Peur du coup d’État, de l’assassinat, de la manipulation… Il est hautement probable qu’à un stade ou un autre, le chef du Kremlin ait au moins des tendances paranoïaques. Mais un psychanalyste, a fortiori de circonstances, ne saurait rendre un diagnostic médical sur la base d’un rictus télévisé ou d’un comportement politique.
Nul ne sait, du moins en France, si Vladimir Poutine est médicalement fou, un terme d’ailleurs nullement médical. Mais on ne saurait nier que l’individu est dangereux, malsain, et que bombarder sciemment une population civile relève du crime de guerre. Par ailleurs, il n’est certainement pas assez fou pour être déclaré pénalement irresponsable devant une juridiction internationale. Fou : peut-être ? Criminel : assurément !
Michel Taube