Lorsque la Russie envahit l’Ukraine, les élections présidentielles en France semblaient jouées : après la Covid, Vladimir Poutine a voté Macron. En temps de guerre, partout et de tout temps, le peuple se rassemble derrière son dirigeant.
Et puis le temps a passé. On s’habitue à tout, on se lasse de tout. Finalement, les menaces nucléaires de Poutine n’inquiètent plus vraiment : promis, juré, l’Ukraine n’entrera pas dans l’OTAN.
Pour le moment, la peur s’est focalisée ailleurs : le pouvoir d’achat. Car si les premiers effets conjugués de l’après-Covid (qui revient peut-être) et des sanctions contre la Russie pouvaient être contenus par quelques aides circonstancielles, c’est désormais une crise économique et sociale profonde qui nous guette, crise qui pourrait être particulièrement violente en France du fait de son surendettement abyssal. Une flambée des taux d’intérêt, et les classes moyennes tomberaient dans une paupérisation qui ne serait plus rampante. Quant aux classes populaires, elles seraient sous la menace d’une véritable misère, les ressources du travail ou de l’assistanat ne parvenant plus à faire face aux dépenses élémentaires.
Nul ne sait si ces crises, celles du Covid et d’Ukraine, seront durables, voire si elles ne seront pas salvatrices à long terme pour une Europe bien trop dépendante. Les victimes de l’une et de l’autre, en particulier le peuple ukrainien, n’ont que faire de ces analyses, mais on peut au moins espérer que nos gouvernants tireront les leçons de l’histoire. Espérer et douter, hélas.
Le pouvoir d’achat, donc. Un thème traditionnellement de gauche. Résultat : Jean-Luc Mélenchon ne cesse de progresser dans les sondages, et l’idée qu’il puisse se qualifier pour le second tour fait son chemin. Mais il est un autocrate, islamogauchiste, indigéniste, woke et néo-marxiste. Il n’est pas LA gauche, dont la branche républicaine et sociale-démocrate est partie chez Emmanuel Macron, tout comme la classe ouvrière a été séduite par les Le Pen, père puis fille. En pleine tourmente économique, ceux qui rasent gratis peuvent-ils être crus ? Si la question vaut pour tous les candidats, c’est surtout à Jean-Luc Mélenchon qu’elle doit être posée. Outre la « créolisation » accélérée de la France qu’il promet et prône (en pratique, il s’agit d’une immigration très majoritairement issue du Maghreb et d’Afrique subsaharienne), il promet la retraite à 60 ans, en se fondant (comme Anne Hidalgo) sur le mensonge du travail qui tue, alors que, sauf tâches pénibles qui ont vocation à disparaître grâce au progrès technologique, c’est très souvent le contraire : l’inactivité et l’oisiveté accélèrent la dégradation physique et psychique. En outre, Mélenchon promet monts et merveilles : SMIC, minima sociaux, cadeaux à gogo pour tous, sauf bien sûr pour les riches qu’il va tondre. Une récolte unique, dans le meilleur des cas ! L’année suivante, qui tondra-t-il ? Non, les Français ne sont ni assez ignorants et naïfs, si assez miséreux pour croire en cette folie. Même Mélenchon ne peut y croire. Pas à son âge ! Le réflexe du vote utile peut lui faire gagner quelques points, mais toute la gauche non macronienne ne peut espérer guère plus que 25 % des voix, lesquelles n’iront pas toutes à Mélenchon.
Emmanuel Macron baisse (légèrement) dans les sondages. Sauf extension du conflit ukrainien qui impliquerait militairement l’OTAN, donc la France, sauf nouvelle flambée mortelle du Covid, attentat djihadiste ou catastrophe climatique, le pouvoir d’achat, ou plus précisément la peur de fins de mois insupportables du fait d’une inflation galopante, fera l’élection. Si on part du principe que plus on s’approche de l’échéance, plus le vote devient utile, les deux places pour le second tour se joueront entre Macron, Le Pen et Mélenchon. Aujourd’hui, c’est la répétition du scénario de 2017 qui se profile pour le premier tour. Au second, la situation économique et sociale peut rebattre toutes les cartes. Hier, le sortant semblait assuré d’une réélection dans un fauteuil. Aujourd’hui, le trône donne quelques signes d’instabilité. Et demain est un autre jour…
Mais dans un pays qui a pour passion l’égalité la question sociale pourrait changer la donne politique.
Michel Taube