Dans ce monde de l’immédiateté, l’habitude et la lassitude gagnent très vite les esprits. Nous pensions tous, Emmanuel Macron en tête, que le Covid et surtout l’Ukraine avaient scellé l’issue de la présidentielle, et voilà qu’en dépit de la constance des préoccupations et des craintes économiques, les questions identitaires totalement passées sous silence par le président sortant, refont surface. Marine Le Pen veut interdire le voile islamique dans la rue, un souhait partagé par 61 % des Français selon un sondage CSA pour Cnews. Est-ce juridiquement faisable ? Est-ce politiquement envisageable ?
Le droit français et européen
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) accepte la discrimination dès lors qu’elle est fondée : elle avait validé l’interdiction par la Turquie d’avant Erdogan du voile islamique (et non des signes religieux) à l’université pour cause de prosélytisme. Quand la France prohibe la dissimulation du visage dans l’espace public, sans mentionner le voile, la CEDH répond qu’un pays peut interdire le voile islamique intégral au nom du choix de société et du vivre ensemble. Il faut ici rappeler, notamment au candidat Mélenchon et à ses électeurs potentiels, que le voile n’est pas un fantasme d’extrême droite, mais un instrument du prosélytisme islamiste, quand bien même ne serait-il pas que cela. Une fois voilées, les femmes sont elles-mêmes le soft Power de cet endoctrinement, en particulier à l’égard des petites filles. On peut donc considérer que cette interdiction, si elle est bien motivée, peut être conforme à la jurisprudence de la CEDH.
Pas plus tard qu’hier, une femme voilée à qui nous demandions pourquoi elle s’habille ainsi nous répondit par cette sentence fulgurante : « le corps de la femme appartient à celui qu’elle aime ». L’exacte définition de la soumission, contraire aux valeurs et à de nombreuses lois de la République.
Or le droit français interdit toute discrimination fondée sur la religion. Sauf qu’en l’espèce, il ne s’agit pas, du moins pas seulement de religion, mais de politique. Néanmoins une loi visant exclusivement le voile, donc l’islam et les musulmans, serait très vraisemblablement retoquée par le Conseil constitutionnel, sauf réforme constitutionnelle préalable, le cas échéant par référendum.
La faisabilité politique
Rappelons que le droit est avant tout la traduction de la volonté politique, en principe celle du peuple en démocratie. Or le droit se change, fût-il constitutionnel ou transnational (dans ce dernier cas, cela peut conduire à dénoncer des traités). Même si, comme le souhaite le candidat Zemmour, la neutralité religieuse s’imposait à toutes les confessions, c’est l’ensemble de la communauté musulmane qui ressentirait cet impératif comme une provocation ou une déclaration de guerre.
L’islam, dans son ensemble, n’a pas opéré la séparation entre le temporel et le spirituel. La société musulmane n’est pas sécularisée. Aujourd’hui, en France, l’importance de cette communauté et la tentation séparatiste, notamment chez les jeunes, laissent penser qu’il est trop tard pour imposer la neutralité religieuse dans l’espace public. Soit la loi ne serait pas appliquée, à l’instar de celle qui proscrit la dissimulation du visage, soit il faudrait d’entiers escadrons de CRS, voire l’armée, pour dresser la moindre contravention. Ce n’est pas réaliste.
Pourtant, il faudra bien, et ce le plus rapidement possible, mettre au pas l’islam politique, sans quoi nous ne pourrions un jour n’avoir à choisir qu’entre de mauvaises solutions : archipellisation (mais n’est-ce pas déjà le cas ?), soumission (même question dans certaines zones suburbaines), guerre civile annoncée par certains…
Peut-être serait-il plus judicieux de commencer par imposer la neutralité là où le prosélytisme doit et peut être combattu en priorité : pour les accompagnatrices scolaires, comme le souhaitait Jean-Michel Blanquer avant le veto d’Emmanuel Macron, à l’université où le wokisme et l’islamogauchisme ont le vent en poupe, ou dans les entreprises si tel est le choix de la direction (actuellement seuls les salariés en contact avec la clientèle peuvent, sous conditions, se voir imposer la neutralité).
On peut voir un paradoxe dans la position de la majorité des Français à l’égard du voile, plus généralement de l’islam ou de l’immigration, et la réélection quasi promise d’Emmanuel Macron, de ce point de vue sur une position de gauche. Leurs priorités sont ailleurs. Pour le moment…
Michel Taube