Création originale d’Arte, la série H24 retrace les violences quotidiennes faites aux femmes. De l’incident le plus anodin aux drames les plus terribles, les épisodes sont efficaces et révélateurs de problèmes systémiques. À voir.
24 faits réels. 24 écrivaines. 24 actrices.
À l’origine de cette idée : Nathalie Masduraud et Valérie Urrea. Habituées à travailler ensemble, les deux scénaristes ont réalisé « Focus Iran — L’audace au premier plan » en 2017 puis ont investi le thème du passé colonial avec « Pornotropic — Marguerite Duras et l’illusion coloniale » en 2020. Grand virage pour les documentaristes puisqu’elles se sont lancées dans leur première fiction à travers leur série H24 disponible sur la plateforme franco-allemande. Inspirée de faits réels, les vingt-cinq épisodes abordent les abus dont sont victimes les femmes : harcèlement, agressions sexuelles, viols, sexisme, violences conjugales, féminicides…
Parce qu’il n’y a pas d’heure, pas de tenue, ni de lieu particulier pour se faire importuner quand on est une femme, 24 autrices ont couché sur le papier ces instants où elles se sont senties apeurées, choquées ou violentées. Ces histoires fictives ce sont celles d’Alice Zeniter, Agnès Desarthe, Lola Lafon, Sofi Oksanen, Christiane Taubira et bien d’autres. Elles racontent avec simplicité et vulnérabilité des fragments de vies, des moments que nous aussi, on a peur de (re)vivre. Alors, pour porter ces textes puissants devant la caméra, les réalisatrices ont fait appel à des figures du cinéma : Diane Kruger, Camille Cottin, Céleste Brunnquell, Garance Marillier, Valeria Bruni Tedeschi, Anaïs Demoustier, Clémence Poésy parmi d’autres grands noms du cinéma français.
En seulement 3 minutes, ces actrices arrivent à nous transporter. Elles nous touchent à travers un script simple, sans dramatisation ou pathos. Et si les monologues sont aussi impactants, la mise en scène n’y est pas pour rien. En effet, les scénaristes usent des champs/contre-champs, pour amener une tension dans chacune des pastilles. Mais ce qui rend la série encore plus intéressante, c’est cet aspect épuré où seule la voix de la victime est audible. Tout l’intérêt de la série est de montrer comment ces insultes, ces coups, ces menaces sont reçus par ces femmes.
Une chorale qui reçoit un écho dans l’actualité
Combat de tous les instants, les violences ordinaires subies par les femmes commencent de plus en plus à se faire entendre. Et pour cause, des artistes et des militants ne cessent de les pointer du doigt. En 2020, le slammeur Grand Corps Malade sortait un album pour mettre en avant les femmes. À l’image de la série H24, il interprétait la chanson « Pendant 24h » au côté d’une jeune chanteuse du nom de Suzanne. Les deux artistes échangent leur corps le temps d’un clip et mettent à mâle les clichés et travers de la gent masculine.
Si la fiction de Nathalie Masduraud et Valérie Urrea va plus loin dans l’escalade des violences, le point de vue sur le problème de fond reste le même. Chaque jour des femmes issues de tous les milieux sont tributaires des comportements masculins. Dans l’épisode de 23h Nuit rouge, l’actrice Camille Cottin déclare avec véhémence « ça arrive tous les putains de jours ». Tout est dit. À l’image de cette colère, un collectif de femme lance l’observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique. Le but de cette initiative est de recenser les violences commises, de soutenir les victimes et de faciliter les actions entreprises par des femmes dans la vie publique et politique. Ainsi, la lutte contre les violences faites aux femmes trouve un écho dans tous les pans de la société. Véritable enjeu national, cette cause rassemble autant la justice, les associations, les administrations, les médias qu’une multitude d’autres domaines. Alors, après avoir visionné 24 heures dans la vie d’une femme, un espoir subsiste : celui que la parole se propage et que les actions entreprises engendrent plus qu’une simple prise de conscience.
Fanny David