J’attire vos regards bienveillants et votre attention à tous.
J’ai bien réfléchi à la situation globale des urgences.
L’arbre de vie se déracine.
Le monde a changé et nous devons prendre conscience et plus en considération qu’auparavant les intérêts de chacun.
Le sacrifice des années de la part des urgentistes n’a amené aucune reconnaissance réelle, aucune aide ni financière ni réglementaire de la part des tutelles.
Nous sommes désabusés et je dirai même abusés.
Ce sont des faits. Aucune empathie de ma part.
Le monde des urgences se divise dans son modèle économique en deux parties.
Un système « Libéral » et un système « Public ».
Alors que les deux sont au service du public, travaillent ensemble, soignent, apaisent et traitent ensemble tous les patients en secteur 1 conventionnés sans quelconques dépassements d’honoraires, les instances dirigeantes divergent et s’érigent même l’un contre l’autre. Politiquement divisées de manière absurde au détriment d’un partenariat qui aiderait les patients.
Ces deux types de structures se partagent de manière inégale une permanence des soins hospitaliers.
Le public avec 85% des passages et le privé environ les 15% restants. (Sur environ les 22 millions de passages en 2019/20 *source Drees).
Il s’ajoute des problèmes juridiques et de responsabilités.
Cela est une évidence et le piège est présent. J’attire l’attention sur ce point. Il n’est pas anodin.
Le système libéral est mis à mal par toutes les contraintes administratives et il est, disons-le quasi inexistant.
Nous devenons des salariés et même des sous-traitants pour une lecture industrielle de la médecine.
Pour le bien de la population que nous servons,
Pour le bien de la structure que nous aimons,
Pour un respect de notre travail,
je soulève ici la manière d’organiser cette permanence des soins et qui devrait prendre autant soins des soignants que des soignés, sans faire de la démagogie si courante à ce sujet.
Les libéraux sont non seulement oubliés mais ils sont écrasés par une machine industrielle de la santé aux mains de l’équilibre budgétaire.
Le système public n’est pas mieux loti et ensemble nous perdons une seule chose, l’humanité de nos soins, un détail.
Cela s’appelle les « urgences » avec des situations pour le moins parfois compliquées pour les patients et qui ont fini par être complexe pour les soignants.
Personnes âgées, stress, solitudes, douleurs, larmes, sang, parents et enfants, familles, brancards et pompiers, alarmes, téléphones, lumières et cafés, sourires, jeux, éclats et rigolades.Attentes et Lits!
Des situations inacceptables sont malheureusement réelles.
En effet après ces années de travail sans fins et après ces deux années de Covid, nous ne pouvons accepter une diminution de nos rémunérations dans le système libéral qui nous est imposé.
-paiement au forfait relié essentiellement à l’âge!
-fin des actes médicaux et chirurgicaux.
-non reconnaissance de l’expérience, du savoir faire et de la qualité des soins.
-non reconnaissance du temps des soins, du temps humain indispensable à la médecine.
-horaires considérées de journée de 20h à 22h! Le travail du soir est désormais reconnu à partir de 22h aux urgences!
-les rémunérations dispensées à budgets constants et assénées durant les
« négociations » avec les instances.
Mais qui négocie, qui raisonne, qui décide et propose ces absurdités?
Je les pardonne néanmoins car ils ne savent pas ce qu’ils font. Probablement…
le statut libéral n’est plus du libéral. Nous avons tout au plus un statut administratif sans les compensations du salariat.
La médecine libérale prônée par nos instances n’est plus de mise. Elle existe tout au plus pour payer les cotisations.
Je soulève tout cela car je pense que les concernés, c’est à dire les médecins, ceux qui travaillent sur le terrain, doivent prendre part aux discussions avec les responsables de l’ARS (agences régionales de santé). TC’est indispensable.
On ne peut prendre des décisions sans nous entendre ni au moins écouter. La voix des soignants et des soignés n’est elle pas l’objet?
Elle a été oubliée depuis des années.
Les conditions imposées par un manque de médecins urgentistes se répercuteront sur tous, soyons en certain.
Il serait donc intelligent d’ouvrir une vraie discussion entre les parties de manière transparente, sinon l’avenir, même provisoire ne peut ni être viable ni prédisposer à un meilleur avenir.
Le risque étant la fermeture des urgences privées libérales, préjudiciable à tous. Un risque imminent est à craindre partout en France.
Que les choses soient claires également,
cette lettre n’est pas une plainte mais le début d’un engagement pour améliorer la situation des urgences et non une fuite du navire ou un abandon.
Il n’y a plus d’urgentistes!
Il faut recréer un partenariat Public/Privé,
il faut mutualiser nos moyens,
Obliger les jeunes à des stages aux urgences,
il faut aider les soignants à se reposer, il est impératif de les encourager financièrement, moralement, leur donner des locaux dignes, moins de tâches administratives, les impliquer dans les décisions qui les concernent.
Ils sont nos soignants, il faut les respecter et reconnaître leurs valeurs.
Mais il est bien triste aujourd’hui pour un Urgentiste, impliqué depuis plus de 30 ans dans l’amélioration des soins, de constater et voir le naufrage d’un si beau et enrichissant métier, on ne peut plus humain et l’engagement d’une vie ignorée.
Ce naufrage évitons-le, c’est le notre. Cela se passe ici et maintenant.
Aidons les soignants s’il vous plaît.
Dr Ali Afdjei.
Médecin Urgentiste, médecin du sport
Médecine de catastrophes