Edito
12H18 - mardi 29 mars 2022

Accords d’Abraham : du Neguev à Paris ? L’édito de Michel Taube

 

Alors qu’à l’est de l’Europe tonne le canon à l’initiative d’un tyran nostalgique, au Moyen-Orient se concrétise l’espoir d’une paix sincère et fraternelle entre Israël et le monde arabe (en tout cas une bonne partie), dans la foulée des accords d’Abraham signés sous la houlette de Donald Trump en août 2020.

Ces deux derniers jours dans le désert du Néguev en Israël les ministres des affaires étrangères des Etats-Unis, d’Egypte, du Maroc, des Emirats arabes unis et de Bahreïn se sont réunis [notre photo]. Un événement majeur… passé presque inaperçu en France.

Évidemment, cela ne plaît pas à tout le monde. Les islamistes de Daech qui viennent d’assassiner deux jeunes policiers israéliens, dont une franco-israélienne de 19 ans, ceux du Hamas ou du Hezbollah, les indigénistes et l’extrême gauche type France Insoumise qui ne prennent même plus la peine de dissimuler leur antisémitisme derrière le masque de l’antisionisme (cf l’effigie d’Emmanuel Macron au nez crochu, façon caricature nazie, place de la République il y a dix jours), les militants du BDS qui feignent de confondre le peuple palestinien avec son gouvernement autocratique et corrompu qui s’arc-boute sur des positions extrêmes, gages de son enrichissement sur le dos de son peuple bâillonné… Tous ceux-là, auxquels s’ajoutent des États comme l’Iran, l’Algérie ou le Venezuela qu’admire tant Jean-Luc Mélenchon, et les jeunes de nos banlieues intoxiqués à l’antisexisme avec la bienveillance de l’extrême gauche, ne supportent pas qu’outre les signataires des accords d’Abraham (les Émirats arabes unis et Bahreïn, qui ont l’aval de l’Arabie Saoudite), l’Égypte en paix avec Israël depuis 1979 et le Maroc manifestent aussi ouvertement leurs bonnes relations avec l’État hébreu.

Et il ne s’agit là que de la partie immergée de l’iceberg, à laquelle appartient aussi la Jordanie. Plusieurs pays africains musulmans, comme le Soudan, se rapprochent d’Israël, un pays qu’il est bon d’avoir comme allié face aux défis sécuritaires et environnementaux qui s’annoncent. La Turquie d’Erdogan a également opéré un brusque rapprochement avec Jérusalem. Pourtant, nul n’ignore qu’il faudra trouver une solution à la question palestinienne, sans doute après le règne de Mahmoud Abbas, et qu’elle passera par la création d’un État palestinien, éventuellement dans le cadre d’une confédération jordano-palestinienne (une vieille idée qui ressurgit régulièrement).

Évidemment, les relations internationales sont fondées sur les intérêts et non les amitiés. Ici, outre les échéances climatiques et environnementales qui encouragent le rapprochement avec un État qui excelle dans les domaines de la gestion de l’eau, de l’irrigation, du dessalement de l’eau de mer, de l’extraction de l’eau dans l’air…, le spectre d’un Iran impérialiste, mais aussi le constat d’une Chine prédatrice, d’une Russie imprévisible et brutale, d’une Amérique isolationniste encouragent les cousins sémites et descendants d’Abraham que sont Juifs et Arabes, et au-delà juifs et musulmans, à enterrer la hache de guerre.

Ce qui surprend, c’est qu’à l’inverse de la paix jusqu’alors froide entre Israël d’une part, l’Égypte et la Jordanie d’autre part, les choses prennent une tournure bien plus intense entre l’État hébreu et ses nouveaux alliés/amis, en particulier les Émirats et le Maroc : échanges culturels, touristiques et économiques, coopération technologique et militaire, cette paix semble sincère et durable, tant entre les peuples qu’entre les États. Elle a d’ailleurs résisté tant au changement de gouvernement aux États-Unis et en Israël qu’au dernier conflit entre ce dernier et le Hamas au printemps 2021.

Dans ce monde instable et dangereux, qui rappelle aux Européens les souvenirs d’un passé que l’on croyait effondré avec le mur de Berlin, les bonnes nouvelles du Moyen-Orient sont plus qu’une lueur d’espoir. Puisse cette lueur éclairer jusqu’à nos banlieues, ce qui nous ramène à nos considérations nationales et même électorales. La diplomatie française est d’ailleurs bien trop absente de cette politique de rapprochement entre Israël et le monde arabe. Alors même que la France, de par son rayonnement et son influence, pourrait compléter les efforts américains.

Les Accords d’Abraham, une priorité du prochain Président de la République ?

 

Michel Taube

Directeur de la publication