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18H39 - mardi 5 avril 2022

Emmanuel Macron annonce une prochaine réforme de la protection de l’enfance… un mois après la précédente !

 

Lors de son grand meeting à la Défense, le président-candidat a annoncé une prochaine réforme de la protection de l’enfance. Il est curieux que cette annonce soit faite quelques semaines après qu’une loi, celle du 7 février 2022, ait déjà réformé ladite protection. On remarquera l’intitulé du nouveau texte : « Loi relative à la protection des enfants », un changement sémantique qui se veut symptomatique d’une approche plus humaniste et concrète. L’enfance est un concept plus abstrait, et la protéger n’a pas la même matérialité que protéger un enfant contre toutes les formes de maltraitance qu’il peut subir.

Qu’a changé la loi du 7 février 2022 et qu’a annoncé le candidat Emmanuel Macron ?

 

La loi du 7 février 2022

Au-delà de la sémantique, la nouvelle loi entend améliorer la situation des enfants protégés par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Avant d’en examiner quelques dispositions, soulignons qu’elle n’a pas touché à un point crucial : la gestion départementale de la protection de l’enfance. Il en résulte nécessairement des disparités territoriales, tous les départements n’ayant ni les mêmes moyens ni les mêmes priorités. L’ASE est très décriée, et régulièrement accusée de défaillances et d’insuffisances. Certains espèrent son retour dans le giron de l’État. Pour le moment, la loi espère rationaliser et homogénéiser certaines pratiques comme les signalements, et coordonner la prise en charge des enfants pour prévenir les ruptures de parcours. Parole de technocrate !

Le législateur de 2022 souhaite éviter le recours trop systématique au placement des enfants dans un foyer d’accueil, un remède parfois pire que le mal. Il devient même un enfer pour trop d’enfants victimes de maltraitance. La nouvelle loi vise à mieux encadrer et surveiller les assistants familiaux, dont le métier est par ailleurs revalorisé, et à privilégier des alternatives au placement. Par ailleurs, le législateur veut améliorer les droits de l’enfant protégé : meilleure évaluation de sa situation, audition par le juge, parrainage, assistance d’un avocat, restriction puis interdiction (en 2024) de l’accueil en hôtel, réactivation des mesures pour les jeunes majeurs, création d’un dispositif pour les 16-25 ans en grande précarité, meilleure protection des mineurs prostitués, priorité d’accès au logement social…  Cela fait un peu fourretout, comme c’est souvent le cas des lois de fin de législature. Sur le papier, comme toujours, c’est un monde meilleur que devrait en résulter. Hélas, les différentes réformes de la protection de l’enfance, notamment depuis 2007, promettaient déjà une amélioration significative du dispositif. Faute de moyens, le scepticisme est aujourd’hui de mise, d’autant plus que la protection de l’enfance (ou donc, des enfants), devrait être la seconde « grande cause » d’un éventuel second mandat d’Emmanuel Macron, à côté de l’égalité entre femmes et hommes, qui fut déjà celle du quinquennat qui s’achève.

 

La protection de l’enfance, grande cause d’un second quinquennat Macron

Plus que l’égalité femmes-hommes, c’est surtout les violences faites aux femmes qui ont fait l’objet d’une intense activité législative, en particulier après le « Grenelle des violences conjugales », en 2019. Pour le moment, le résultat n’est pas à la hauteur de la grand-messe du Grenelle et des nombreuses lois votées dans sa foulée : les violences, notamment faites aux femmes sont en hausse significative. Va-t-on avoir droit à un Grenelle de la protection des enfants ? Les cassandres prétendront que ces grands messes (on y eut également droit pour la santé, la sécurité, les valeurs républicaines…) sont de la poudre aux yeux, de la communication.

Lors de son meeting de la Défense, Emmanuel Macron a mis l’accent sur deux points : le harcèlement sur les réseaux sociaux et les violences sexuelles, notamment incestueuses : « Je veux protéger les enfants des violences qu’ils subissent sur les réseaux sociaux et les protéger du harcèlement dont ils sont trop souvent victimes. » Et d’ajouter : « Je veux protéger nos enfants de tous ceux qui, dans les silences trop souvent tenus, ont commis le pire et continuent d’abuser d’eux. » Le candidat veut qu’au cours des cinq prochaines années se mette en place une « vraie culture française » de la protection des enfants.

Comment ces bonnes intentions peuvent-elles se traduire en lois, et comment s’assurer qu’elles soient appliquées ? S’il s’agit de mieux encadrer et responsabiliser les réseaux sociaux, on ne peut que s’en réjouir. Cela ne concerne pas seulement les dangers que ces plateformes font peser sur les mineurs. Des efforts furent entrepris, notamment s’agissant de la haine en ligne, mais pour des raisons peut-être aussi politiques que juridiques, le Conseil constitutionnel en a parfois restreint la portée et donc l’efficacité.

Rompre le silence devrait mettre sur la table du futur législateur la question des signalements et celle de la preuve, deux points très sensibles. Faut-il inverser la charge de la preuve au service de la plus noble des causes, la protection des enfants, comme certains souhaitaient déjà le faire pour lutter contre les violences conjugales ? Faut-il que la présomption d’innocence devienne présomption de culpabilité, au risque d’imposer au mis en cause de prouver ce qu’il n’a pas fait ? Non, évidemment, car nous serions dans une société de la délation et de la vengeance. Mais un président de la République ne peut vouloir faire de la protection des enfants la « grande cause » de son quinquennat, et se contenter de proclamations.

 

Appliquer l’existant et rationaliser des textes disparates et contradictoires

Oui, il faut que ceux qui s’en prennent aux enfants, et pas seulement les pédophiles, se sentent harcelés et traqués. Pour cela, il faudrait faciliter la levée de l’anonymat sur les réseaux sociaux (ou le supprimer totalement) et appliquer la loi déjà existante à l’égard de la dénonciations de la maltraitance : outre la non-assistance à personne en péril ou en danger de subir une agression physique grave (article 223-6 du Code pénal), d’autres articles du même code (434-3 ou 434-1) punissent l’omerta de lourdes peines de prison… en théorie. Ces deux derniers articles permettent certes aux professionnels astreints au secret, tels que ceux du secteur sanitaire et du secteur social, de se taire, mais ce droit en contradiction avec l’obligation de faire un signalement ou une « information préoccupante » en matière de protection de l’enfance (articles L226-2-1 et L226-4 du Code de l’action sociale et des familles.

Il serait souhaitable qu’un grand ménage soit fait dans les dispositifs de signalement par des professionnels. Mais déjà, l’Ordre des médecins à fait savoir qu’il s’opposerait à ce que l’on force la main à ses ouailles, comme il le fit avec succès en matière de violences faites aux femmes (réformette prudente de l’article 226-14 du Code pénal après le Grenelle des violences conjugales). Il faudra aussi que la loi pénale sanctionnant le silence de tout un chacun soit appliquée, sans qu’il soit nécessaire de la renforcer (trois, voire cinq ans de prison, cela devrait donner à réfléchir !). D’aucuns diraient que la non-application de la loi pénale est un problème général. La protection des enfants serait un excellent début pour le rétablissement de la vertu dissuasive de la sanction, pilier et première raison d’être du droit pénal.

 

Raymond Taube

Directeur de l’IDP – Institut de Droit Pratique

Rédacteur en chef d’Opinion Internationale

Directeur de l'IDP - Institut de Droit Pratique

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