Alors que ce que l’on appelle désormais « l’affaire Jérémy Cohen » perturbe la sérénité du camp Macron qui avait réussi à éloigner les questions sécuritaires du cœur de la campagne électorale, c’est maintenant la famille de Samuel Paty, cet enseignant décapité par un islamiste, qui porte plainte contre l’État pour n’avoir tenu aucun compte des signes pourtant inquiétants d’une « fatwa » prononcée contre lui par tout un environnement obscurantiste désireux d’imposer la charia.
Ces deux affaires, auxquelles on doit ajouter le scandale du déni de justice après l’assassinat antisémite et islamiste de Sarah Halimi, sont emblématiques d’une forme de lâcheté institutionnelle et parfois médiatique qui revient aujourd’hui en boomerang à la face de leurs auteurs.
« Pas de vague, pas d’amalgame », telle est bien la ligne directrice des pouvoirs publics, notamment dans les domaines du sport et de l’Éducation nationale, surtout à l’échelon des rectorats d’Académie. Jean-Michel Blanquer, qui achève son mandat de ministre du mammouth (comme disait un de ses processeurs) voulait imposer avec force la laïcité au cœur de l’Éducation nationale, et prônait la neutralité, donc l’interdiction du voile islamique aux accompagnatrices scolaires. Son patron Emmanuel Macron, tout comme la plupart des directions académiques, ne l’entendirent pas de cette oreille. La formation massive des personnels à la laïcité ? On préfère la faire en interne… Donc souvent ne rien faire. Proscrire le voile lors d’accompagnement scolaire ? Surtout pas ! Ce serait créer des tensions, des… vagues.
Mais il y a pire, bien pire : un enseignant qui applique un programme scolaire qui ne sied pas à certains élèves musulmans, surtout lorsqu’ils sont majoritaires dans une classe, ou à leurs parents, est un fauteur de troubles ! Tel est le sens des plaintes déposées par la famille de Samuel Paty contre les ministères de l’Intérieur et de l’Éducation nationale pour « non-assistance à personne en péril » et « non-empêchement de crime ». Le premier est accusé d’avoir minimisé le risque criminel et le second ne n’avoir pas protégé son enseignant. Le fondement juridique de ces plaintes est l’article 223-6, alinéa 1 et 2 du Code pénal :
Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours…
Ces plaintes n’ont que peu de chances d’aboutir. Pour qu’il y ait condamnation, il faut généralement qu’il y ait quasi-certitude d’un péril imminent, qui ne soit pas seulement une hypothèse ou un risque. Pouvait-on déduire des éléments du dossier que Samuel Paty était sur le point d’être assassiné ou même violenté, ou le risque était-il seulement diffus ? Probabilité ou certitude ? C’est là que se jouera le sort de ces plaintes.
Quelle que soit l’issue de cette procédure, il est déjà établi que la maladie du « pas de vague » et, au-delà, le déni de réalité des pouvoirs publics sont largement responsables du recul de la laïcité et de l’expansion continue de l’islam obscurantiste, tant à l’école que dans les entreprises, les services publics, les esprits, notamment ceux des plus jeunes (les lycéens sont majoritairement hostiles à la laïcité et à l’interdiction du voile à l’école). Rien n’est fait pour arrêter cette propagande, et ce ne sont pas quelques fermetures de mosquées salafistes ou interdictions d’antennes des Frères musulmans (barakacity, CCIF…) qui y changeront quelque chose. D’ailleurs, on remarquera que le site https://barakacity.com/ est toujours actif, et qu’il s’ouvre sur « Gaza – Contre le terrorisme israélien : faire un don ». Il s’agit d’une incitation larvée à la haine des Juifs sous couvert d’antisionisme (même méthode que l’extrême gauche), alors que Gaza est contrôlée par une organisation islamiste fondamentaliste (Hamas), considérée presque partout comme terroriste, et dont les valeurs, indépendamment du conflit israélo-palestinien, sont une insulte à toutes celles de la République et des pays démocratiques.
On se souviendra aussi que quand avait débuté le harcèlement de la jeune Milla, et les menaces de mort dont elle a fait l’objet, la ministre de la Justice de l’époque, Nicole Belloubet, l’avait accusée de blasphémer, confondant la charia et la Constitution, dont l’article 1er dispose que la France – et pas seulement l’État comme le prétendent les (in)soumis et une partie de la macronie – est une république laïque.
La récente affaire Jeremy Cohen confirme qu’aucune leçon n’a été retenue. Selon le père de la victime, la police n’a tenu aucun compte des éléments de preuve qui lui étaient apportés par la famille, préférant classer l’affaire comme un simple accident de la circulation. La motivation antisémite des « jeunes des quartiers » auteurs de ces faits n’est certes pas officiellement établie, mais elle ne serait qu’une raison de plus d’éviter de faire des vagues.
Évidemment, certains candidats à la présidentielle exploitent ces faits, qui ne sont pas si divers que certains voudraient nous le faire croire. Mais l’élection ne peut être prétexte à les taire. S’il est improbable qu’ils changent l’issue du scrutin, ils confirment que la politique du pas de vague ne peut que conduire au pire des choix : la soumission ou la confrontation.
Michel Taube